« Cet appartement de 61 mètres carrés boulevard Richard Lenoir est le mien, c'est un appartement que j'ai acheté il y a deux ans et demi, dans un immeuble haussmannien classique en pierre de taille, confie l'architecte et architecte d’intérieur Juliette Rubel. Je voulais absolument réaliser un exercice de style sur de l'haussmannien. » L’exercice démarre donc par la réorganisation de l’espace de trois en deux pièces sur le principe d’une cuisine ouverte sur le salon, à la façon d’un bar pour recevoir, d’où la maximisation de l’espace de vie par rapport à la taille de l'appartement. Une ouverture en arche vers l’ancienne cuisine inspire à l’architecte la porte de la salle de bains ou le passage de l’entrée au salon dédoublée en arche-niche en miroir qui répondent aux fenêtres en arches du salon « dans un style plutôt contemporain qui contraste bien avec les moulures, la cheminée et les corniches de l'appartement ».
Dans cet esprit, Juliette Rubel ne travaille qu'avec des matières naturelles : de la pierre dans la cuisine et la salle de bains – quartzite du Brésil et marbre Calacatta – utilisées tant au sol que pour habiller les éléments de mobilier intégrés – bar, baignoire… – qu’elle accompagne de peinture beige en all over sur les murs, et de miroirs qui reflètent la lumière des fenêtres. « L'idée, c'est de créer une profondeur de ce côté-là. Pour donner l'illusion qu'on a une pièce traversante. » Le sol en parquet à chevrons est conservé, juste poncé. Ce qui nous conduit à la cuisine qui, vue du côté salle à manger, possède tous les codes d’un bar de petit restaurant. « C’était l'idée ! Avec un ciel de bar dont le dessin est ici linéaire et que j’ai habillé avec des miroirs pour refléter les moulures des plafonds. Façon aussi d'effacer le poids de cet élément qui n’est autre qu’un module de rangement pour la cuisine. » Un ciel de bar graphique et rythmé pour plus de légèreté, réalisé en chêne foncé, comme les pieds de la table dessinée sur mesure par l’architecte, les étagères des bibliothèques et surtout le long banc qui court sous les fenêtres de cette vaste pièce de réception qui intègre des rangements si précieux dans une petite surface. À noter que la première étagère du ciel de bar est ouverte afin de non seulement y placer des objets mais aussi d’embrasser du regard les trois fenêtres dès l’entrée et mieux ressentir le sentiment d'espace de la pièce.
Le banc en enfilade dissimule également les radiateurs tout en offrant des assises informelles pour accueillir du monde. Il permet de moduler l'espace et sert d’assise pour la table de salle à manger qui peut glisser le long du banc dans l’idée de meubles mobiles. Une table de salle à manger dont le plateau est en quartzite du Brésil aux tonalités huîtres, la même pierre que celle de l’îlot-bar et du sol de la cuisine. Une pierre idoine pour la cuisine car résistante à l'acidité, contrairement au marbre, et geste décoratif assumé par l’architecte dans un all-over à mi-hauteur à la fois bloc et aplat de couleur.
Concernant les matières, arrêtons-nous sur le marbre Calacatta de la salle de bains, dans les tons de beige et marron. Un marbre que l’architecte a choisi car ses tranches sont souvent rejetées parce que très marquées. « C'est un genre de Calacatta qui n'est pas noble mais que j’apprécie car il est contrasté. Il s’agissait de faire la part belle à cette pierre et que le reste la reflète, j’ai donc travaillé avec des miroirs qui doublent et modifient les perspectives. » Pour les murs, l’architecte choisit de « calmer les choses » avec un béton ciré le plus clair possible ne laissant que la partie basse de la salle de bains en marbre veiné et matiéré. La robinetterie est cuivrée, rappel des tonalités des vasques, de la baignoire et du sol, quand un miroir légèrement fumé offre ses reflets orangés – un miroir rond, en contraste avec les lignes droites de la salle de bain et en écho avec l’arche de la porte.
Si les murs de l’appartement sont en aplat beige afin de créer une boîte d’une seule et même couleur, plafonds compris, ce beige chaud se voit complété par des rideaux de la même tonalité permettant à une couleur, le parme, de « retourner » l’ensemble. « Ce lilas pour le canapé et le tapis, c’est mon obsession très personnelle pour le violet ! Le tapis est d’un ton plus foncé que le canapé, parfois il semble de la même teinte quand à d’autres il paraît plus foncé. » Juste au-dessus, un tableau de l'artiste hyperréaliste des années 1970 Gérard Schlosser, dont le vert est, avec les chaises orange du salon, la troisième note de couleur vive de l’appartemement décoré dans un esprit seventies chic assumé. On croise ainsi une table basse de Willy Rizzo et un stool en métal dessinée par Juliette Rubel dans le salon, une lampe de Luigi Massoni et une autre de Verner Panton associées à des fauteuils signés Eero Saarinen ou Kembo dans la salle à manger, ou encore une applique-sculpture lumineuse de Guy Bareff entre les fenêtres du salon. « Les sculptures de Guy Bareff complètent parfaitement cette histoire de courbes et de lignes développée tout le long des pièces. C'est souvent ce qui revient dans mon travail, les contrastes entre les courbes et les lignes droites. »