Le Brando, une île-hôtel privée ou le voyage d’une vie à la tahitienne
The Brando, l'hôtel rêvé de Marlon Brando au large de Tahiti
« La plus grande aventure jamais filmée » clame la bande-annonce du film Les Révoltés du Bounty (1962), au cours duquel Marlon Brando campe le rôle de l’intransigeant capitaine Fletcher Christian. Voguant à travers les eaux cristallines de Tahiti, la mutinerie de l’équipage britannique accoste sur les îles de Tubuai, puis de Pitcairn — l’acteur, lui, tombe amoureux du Mana (le « pouvoir » spirituel en tahitien) local et de sa partenaire à l’écran, Tarita incarnant le personnage de sa conquête polynésienne, Maimiti.
« Mon esprit est en paix lorsque la nuit, je m’imagine sur mon île des mers du Sud. Je souhaite que Tetiaroa reste à jamais un endroit qui rappelle aux Tahitiens qui ils sont et qui ils étaient » disait Marlon Brando qui s’y installe entre 1970 et 1990, menant le train de vie d’un Robinson coupé du monde, les pieds dans le sable. C’est au début des années 1960 qu’un projet un peu fou germe dans l’esprit de l’acteur, la création d’un éco-domaine en autarcie complète où faire corps avec la nature et la culture polynésienne. Marlon Brando commence ainsi à recevoir ses amis les plus proches entre les murs de 14 faré — les habitations tahitiennes traditionnelles.
Composé de douze Motu (un petit îlot de sable corallien en tahitien) aux nuances presque irréelles, l’atoll de Tetiaroa se mérite. Au départ de Paris, il faut compter un temps de vol approximatif de 22 heures avec escale — le plus souvent à Seattle ou Los Angeles — pour rejoindre Papeete. Et c’est ici que le Mana commence à opérer… Entièrement privé et dédié au Brando, l’atoll est doté de sa propre compagnie aérienne, Air Tetiaroa, qui achemine les hôtes vers les confins du lagon. À bord du petit avion à hélice, une quinzaine de places seulement, un vol d’une vingtaine de minutes et un pilote chevronné.
De là-haut, le lagon (sept kilomètres de large) s’offre à l’œil entre bancs de sable, camaïeux de bleu azuréens et ballets d’oiseaux car l’atoll compte un véritable sanctuaire écologique, « L’île aux oiseaux ». Loin de toute forme de prédateur, une douzaine d’espèces s’y épanouit en toute tranquillité au cœur d’un biotope unique en Polynésie : fous bruns et à pied rouges, grandes frégates, frégates ariel, sternes fuligineuses, huppées, ou blanches, noddis bruns ou noirs, aigrettes sacrées, courlis d'Alaska, chevaliers errants, pluviers fauves… Ici, l’homme est un invité sur les traces de la nature.
Dès que Marlon Brando fait l’acquisition de Tetiaroa, il exprime le vif désir de construire un domaine éco-responsable et durable, porté par des principes inédits pour l’époque. À l’image du système de climatisation SWAC (Sea Water Air Conditioning) puisant dans les profondeurs du Pacifique comme source d’eau froide. Le principe est alors révolutionnaire, permettant d’économiser 90% de la consommation d’énergie en comparaison à un système de climatisation classique. Si Marlon Brando nous quitte en 2004, sa vision est perpétuée par l’hôtelier Richard Bailey, fondateur du groupe hôtelier Pacific Beachcomber et ami proche de l’acteur. En 2014, 35 bungalows et une résidence d’envergure émergent du sable, doublés d’une société de protection dédiée à la préservation de l’atoll, la Tetiaroa Society.
Aujourd’hui, une éco-station (un centre de recherche, de conservation et d’éducation) plante le décor parmi les cocotiers, accueillant toute l’année une poignée de chercheurs et de scientifiques. L’électricité, elle, fonctionne grâce aux 4700 panneaux solaires installés le long de la piste d’atterrissage (775 mètres) — le Brando en tire 60% de ses besoins énergétiques, un fait totalement inédit pour un hôtel aussi luxueux.
Les frontières entre l’intérieur et l’extérieur s’estompent partout au Brando, que l’on déjeune les pieds dans le sable au Beachcomber ou alangui au bord de sa piscine privée, posée devant son bungalow sur pilotis, les Bernard-l’hermites pour seul compagnie. Les intérieurs sont signés ID Associés et Pierre-Jean Picart, une agence polynésienne basée à Papeete depuis 1994. Toit coiffé de feuilles de pandanus, boiseries claires, objets issus de collections locales, sculptures traditionnelles… Le décor mise sur les nuances naturelles, filant la métaphore du tête-à-tête avec les cocotiers jusqu’à l’installation de baignoires extérieures dans chaque villa. Posée sur un banc de sable à quelques mètres d’une plage privée, la très confidentielle Résidence se déploie au gré de 557 mètres carrés, comme l’utopie d’une douce vie à la Robinson Crusoé.
Depuis quelques mois, les cartes des restaurants sont signées Jean Imbert, mariant les recettes traditionnelles à d’addictives gourmandises à l’image du Bounty maison, un dessert glacé servi dans une noix de coco sur son lit de glaçons. Acheminés des bateaux de petits pêcheurs de Tahiti et de Moorea ou dûment choisis sur le marché de Papeete, les poissons se dégustent à la tahitienne au lait de coco, sous forme de carpaccio d’espadon au citron confit ou en croûte de coco. La ventrèche de thon grillée s’accompagne de riz créole, le tartare de thon rouge d’un savoureux crispy rice et les spaghetti se parent de crevettes et basilic locaux. Un incontournable ? Le Marlon’s burger, un smash burger que Marlon Brando lui-mêle n’aurait pas renié…
Tetiaroa, Arue 98702, Polynésie française, thebrando.com