Là où s’élevaient autrefois les vestiges d’une abbaye médiévale, et où dorment encore les crayères gallo-romaines classées par l’UNESCO, Giovanni Pace imagine un agrandissement qui n’annule rien, mais prolonge tout. Le nouveau bâtiment de la maison Taittinger s’insère sans bruit dans l’existant, respectant l’héritage architectural des années 1930 tout en osant une forme de modernité sereine. L’élément central de ce dialogue est un péristyle vitré, à la fois solennel et ouvert, qui fusionne la rigueur monastique du site avec la clarté du design contemporain. Pace, influencé par la rigueur de Mies van der Rohe, inscrit son geste dans la durée, dans la lumière et dans le lien au sol. Le verre, la pierre, le cuir et le bois composent une partition d’une rare densité sensorielle, où la minéralité n’exclut jamais la chaleur.
L’agencement intérieur, confié à Grégory Guillemain, fondateur de l’agence rémoise Homeage, prolonge cette recherche d’équilibre entre raffinement et simplicité. Loin des effets spectaculaires, l’espace a été pensé comme un écrin fluide et harmonieux. Les matériaux nobles — bois blond, pierre ciselée, cuir doux — offrent aux visiteurs une sensation d’intimité feutrée, presque domestique. Les lignes sont nettes, les textures dialoguent, les perspectives s’ouvrent sans jamais dominer. C’est une architecture qui laisse respirer le silence. À cela s’ajoute le regard tourné vers l’extérieur : le restaurant donne sur un parc paysager conçu par l’agence Triptyque / CDCP, pensé comme un tableau vivant, en constante évolution au fil des saisons. Ce lien direct avec la nature renforce la dimension immersive et contemplative du lieu.
À l’intérieur, les installations de l’artiste verrière Sarah Walbaum (en collaboration avec les ateliers Simon Marq) deviennent des partitions colorées. Entre sculpture et cloison, ses vitraux contemporains filtrent l’espace comme le champagne filtre la lumière – avec finesse et éclat. Ces pièces reprennent les teintes de la palette champenoise : jaune doré, rose saumon, vert tendre. Le restaurant devient ainsi un paysage sensoriel, une réinterprétation poétique du vignoble.
L’assemblage comme manifeste
Le monde culinaire, œnologique, architectural et artistique dialogue à travers le biais de l’assemblage. Polychrome n’est pas un restaurant au sens classique. C’est une résidence culinaire au même titre qu’une résidence artistique. Chaque année, un nouveau chef y est invité à s’emparer du lieu et de son ADN : le champagne comme matière première narrative. Pour sa première saison, c’est le chef Charles Coulombeau – étoilé pour La Maison dans le Parc à Nancy, et pour Yozora au centre Pompidou Metz.
Son idée ? Un menu monochrome. Chaque plat décline une seule couleur, explorée à travers textures, températures et ingrédients d’origine végétale, animale ou minérale. Un filet de barbue nacré sur lequel est posé des lamelles de choux-fleurs, une toile vierge qui invite à peindre en couleurs grâce aux condiments, tous parfaitement en accord avec la délicatesse du plat (mention spéciale pour la moutarde earl grey et le condiment pistache). L’assiette devient un tableau où la dégustation est un acte créatif. L’invité devient artiste de son assiette. On déguste autant avec le regard qu’avec les papilles.
Ici, le champagne ne vient pas “accompagner” : il est le co-auteur du repas. Aucun vin étranger n’est servi. Chaque accord est pensé avec les cuvées de la maison Taittinger, dans un rapport presque symbiotique entre liquide et solide. La carte, dissimulée dans un nuancier, devient invisible. Le sommelier raconte, guide, improvise. Tout est fluide, sensuel, expérimental.
La Maison et l’Art
Le projet s’inscrit dans une démarche plus vaste de réinvention du site Saint-Nicaise. Polychrome s’intègre dans un parcours global imaginé par la famille Taittinger : nouvelles visites immersives des caves, boutique conceptuelle nommée Chromatique, espaces d’exposition autour de la Taittinger Collection – cette série de bouteilles de champagnes habillés par des artistes (Salgado, Arman, Roy Lichtenstein...). La maison Taittinger a toujours été proche du monde de l’art, la table Polychrome renforce cette proximité en poussant l’art culinaire en une dégustation créative et inventive.
Polychrome devient un microcosme de l’art de vivre à la française, mais réinterprété à l’aune de la modernité et de la sensorialité. On y vient pour goûter, mais aussi pour voir, ressentir et habiter une expérience esthétique complète. Avec Polychrome, la maison Taittinger affirme un positionnement singulier : celui d’un luxe narratif, ancré dans le territoire, mais résolument tourné vers l’avant-garde. Vitalie Taittinger, présidente de la maison, parle de « transmission créative ». Le projet vise à reconnecter les visiteurs à l’essence du champagne, non pas comme produit de consommation, mais comme vecteur d’émotion.
Table polychrome :
Ouvert du jeudi au lundi
De 12h00 à 15h30 (dernier service à 13h45)
Bar polychrome :
Ouvert du lundi au dimanche (haute saison) De 11h00 à 19h00 (dernier service 18h00)
Réservation en ligne.
