#FromHomeWithLove, une série lancée par AD pendant le confinement, en 2020
Nous sommes en avril 2020, le monde est mis sur pause suite à l’épidémie du Covid et la France entame son tout premier confinement. Les règles sont strictes, les sorties sont rarement autorisées et sous attestation. Les plus chanceux quittent la ville pour se confiner au vert, dans des maisons de campagne ou résidences secondaires. À l’époque, la rédaction d’AD contacte plusieurs grands noms du design et de l’architecture pour qu’il nous racontent leur confinement en vidéo. Que font-ils ? Comment travaillent-ils ? Quel est leur espace de création pendant ce confinement forcé ? La série s'intitule #FromHomeWithLove.
Parmi les intervenants, Philippe Starck qui nous ouvre les portes de sa maison dans le sud-ouest de la France. Une cabane en bois posée sur pilotis, brute et ouverte sur la nature environnante. L’architecte entame son discours en parlant de sa situation géographique en pleine nature : « dans le ciel, dans le vent, dans la forêt, dans l’herbe, notre petite maison, notre cabane sur pilotis. » En effet, c’est une cabane en bois à laquelle on accède par une volée de marches, de larges baies vitrées ouvrant partout sur la pinède. Dès l’entrée, on aperçoit l’épouse de Philippe Starck en pleine séance de sport tout comme les réserves de légumes rangées dans d’élégants paniers en osier. La vannerie a d’ailleurs une place importante dans ce décor qui n’est parfois pas sans rappeler celui de l’hôtel Lily of the Valley sur certains détails — la suspension en osier dans le coin salon, par exemple. À travers les stores, la forêt est omniprésente et la tranquillité de mise. Toute forme de voisinage semble totalement absente. Au sol, des lattes de parquer en bois blanc typiques des maisons de la région.
Philippe Starck s’apprête ainsi à nous faire visiter son bureau dit son « lieu de création » pendant le confinement. Pour entrer dans la pièce, il pousse une porte sur laquelle est scotché un papier « doucement » ; de l’autre côté ? « Fermer la porte, merci. » La concentration est donc de mise entre les murs de son atelier de création, « un énorme bordel » dit-il. Si les dossiers, la paperasse, les pots remplis à ras bord de crayons accrochent le regard, c’est surtout le paysage environnant qui règne en maître ici. La pièce est entièrement cernée de grandes baies vitrées ouvertes sur la pinède, invitant la lumière à se promener du lit au bureau en passant par la table de chevet et sa bande dessinée. Les frontières entre l’intérieur et l’extérieur s’estompent, et on comprend aisément à quel point l’atmosphère peut y être inspirante. L’architecte et designer répond aux questions que nous lui avions envoyé au préalable.
- Fermez-vous la porte derrière vous lorsque vous y êtes ?
Oui, vous avez vu.
- Peut-on vous déranger pendant ces moments ?
Non, jamais.
- Répondez-vous aux appels extérieurs ?
Non, jamais.
- Écoutez-vous de la musique ?
Ah oui, de la musique très fort. Très, très fort. En effet, s’affiche sur son écran une playlist Starck Mix créée par Stephan Crasneanscki. « Un truc extraordinaire » selon lui, qui évolue au fil des heures.
- Aimez-vous entendre parfois les activités des autres dans la maison ?
Je m’en fiche.
- L’objet qui vous inspire ?
Il y a bien un objet qui m’inspire, puisqu’il y a un Dieu ici, il y a le Dieu des forêts qui est ici. Philippe Starck nous montre une sculpture en bois, un visage sculpté sur un bâton de bois massif, accroché au-dessus du lit.
Enfin, Philippe Starck conclut : « Merci, à bientôt et j’espère que vous avez le même bonheur possible de concentration, car ça faisait des années que je n’avais pas pu être tranquille sans voyage, sans décalage horaire, sans interview, sans rien. Et je travaille 18 heures par jour. Je ne vous cache pas que je pense beaucoup aux gens dans le malheur, je pense beaucoup à ma formidable chance de pouvoir enfin être tranquille. »