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« Mon paradis a été sponsorisé par les laboratoires » : l’étrange confession d’Anna Nativel

Villa Solstice, Saint-Tropez

Entre extase et douleur contenue, cette toile monumentale interroge le corps comme territoire pharmaceutique : une œuvre à la fois somptueuse et dérangeante.

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Vue de l’accrochage de l’œuvre unique “Mon paradis a été sponsorisé par les laboratoires” (huile sur toile, 130 x 243 cm), Anna Nativel, 2025. Présentée ici dans le cadre privé de la Villa Solstice, Saint-Tropez. 1/2© Getty Images

I. L’œuvre qui dérange, l’œuvre qui attire

Accrochée dans le grand salon de la Villa Solstice, l’œuvre d’Anna Nativel ne se signale pas par son cadre doré ou son éclairage muséal. C’est la matière qui frappe en premier. L’épaisseur, presque organique. Le regard ensuite, celui d’une femme peinte, tête rejetée en arrière, lèvres entrouvertes, nue, sans filtre ni posture.

Intitulée Mon paradis a été sponsorisé par les laboratoires, la toile occupe à elle seule tout un pan de mur. 130 cm sur 243. On ne peut pas la manquer. Elle prend toute la place. Même quand on tente de l’ignorer, elle reste là, comme un battement dans la pièce. Un tableau qui n’est pas fait pour flatter, mais pour faire surgir quelque chose.

La Villa Solstice, qui n’expose que des pièces uniques, a fait construire un renfoncement mural exprès pour intégrer cette toile dans la structure même du salon. Elle ne semble pas simplement accrochée. Elle habite le lieu.

Anna Nativel ne donne pas d’interview. Elle signe sobrement ses œuvres d’un A.N. manuscrit à l’arrière. Mais dans les milieux d’art confidentiels, entre Bruxelles, Berlin et Paris, son nom commence à circuler, murmuré plutôt qu’exposé. Ceux qui collectionnent ses œuvres le font autant par intuition que par reconnaissance viscérale.

Le tableau, lui, évoque une forme d’abandon suspendu. Ni pure extase, ni douleur pure. Quelque chose d’intermédiaire. On sent que ce corps ne joue pas : il se souvient. D’un moment, d’un contrôle perdu, d’une forme de dépossession. L’huile sur toile devient ici langage brut.

Ceux qui entrent dans la pièce ralentissent. Par réflexe ou par gêne. Il y a chez cette œuvre une présence qui fait taire. Et sans doute est-ce cela qui lui donne son poids : elle ne cherche pas à séduire, mais à forcer le réel à parler.

Anna Nativel, Mon paradis a été sponsorisé par les laboratoires, 2025, huile sur toile, 130 × 243 cm
Anna Nativel, "Mon paradis a été sponsorisé par les laboratoires", 2025, huile sur toile, 130 × 243 cm.

© Getty Images

II. Villa Solstice : Un huis clos pour esthètes, un manifeste discret du monde d’après

Perchée à flanc de colline, à l’écart des axes visibles de Saint-Tropez, la Villa Solstice ne s’annonce jamais vraiment. Il faut connaître. Ou être invité. Ce lieu confidentiel, à la croisée d’un hôtel particulier et d’un refuge de collectionneurs, n’apparaît sur aucun site de réservation. Le téléphone ne sonne pas ; les portes s’ouvrent sur recommandation.

Derrière son portail ouvragé, la Villa Solstice ne propose ni suites standardisées ni expériences “instagrammables” : elle offre une atmosphère. Chaque salon, chaque chambre semble faconné par la main d’un propriétaire invisible, guidé non par la mode, mais par une recherche presque obstinée d’harmonie viscérale. L’art y est omniprésent — non pour orner, mais pour troubler. Ou éveiller.

C’est dans ce contexte que l’installation de l’œuvre monumentale d’Anna Nativel, Mon paradis a été sponsorisé par les laboratoires, a été décidée. Non pas accrochée dans un couloir de passage, mais en pièce maîtresse du salon d’accueil, là où le regard se pose d’emblée. Là où il ne peut pas fuir.

“Nous ne cherchons pas à plaire. Nous voulons que nos visiteurs se sentent regardés, même à leur insu”, explique sobrement l’un des co-curateurs de la Villa, ancien conseiller artistique d’une galerie privée new-yorkaise.

Un miroir dans l’antichambre du confort


Le choix de cette œuvre n’a rien d’un caprice décoratif. Ici, l’explosion charnelle de la figure féminine, la matière vivante et la tension dramatique du titre contrastent volontairement avec l’élégance feutrée du mobilier. Cette mise en friction est voulue. Elle interroge le rapport à l’image du corps, à la standardisation du désir, et surtout à ce que l’on attend du luxe.

“Nous recevons une clientèle ultra-exigeante, souvent saturée de confort. Cette toile introduit une faille. Elle déplace subtilement la conversation, parfois dès l’arrivée.”

On raconte même que certains invités, pourtant peu impressionnables, se sont sentis presque coupables de leur silence face à l’œuvre. D’autres ont voulu savoir : qui est cette femme ? Pourquoi ce titre ? Quelle est sa douleur ?

Une ligne curatoriale affirmée

À l’origine de cette acquisition, une volonté assumée de renouer avec une forme de radicalité esthétique. L’œuvre de Nativel, par sa charge émotionnelle et sa matière brute, tranche avec l’art contemporain lisse ou conceptuel que l’on croise habituellement dans les résidences de prestige.

“Ce n’est pas une œuvre que l’on s’offre pour souligner son goût, mais pour accepter d’être mis à nu”, précise le curateur. “Elle agit comme un révélateur, et c’est exactement ce que nous recherchons ici.”

Vue latérale de la Villa Solstice avec la toile monumentale d’Anna Nativel contrastant avec les boiseries
Dans le flux des allées et venues, l’œuvre monumentale d’Anna Nativel structure l’espace ; son noir profond contraste avec les boiseries et velours du salon.

III. L’extase dissociée : anatomie d’un cri sourd

Dans l'univers d'Anna Nativel, artiste contemporaine francaise en pleine ascension, les corps ne sont jamais simplement des corps. Ils sont des cicatrices vivantes, des territoires traversés par la mémoire, la douleur, l’ambivalence. La toile monumentale "Mon paradis a été sponsorisé par les laboratoires", exposée actuellement à la Villa Solstice à Saint-Tropez, en est une démonstration puissante. Ce tableau suscite de nombreuses recherches sur l’interprétation de la figure féminine dans l'art contemporain, et devient l'une des œuvres les plus discutées de l'artiste Anna Nativel.

Elle a le visage rejeté en arrière, les yeux clos, la bouche entrouverte. Elle pourrait jouir. Elle pourrait mourir. L’ambiguïté est totale, et c’est précisément là qu’Anna Nativel fascine les amateurs d'art contemporain et de peinture expressive. Ce qu’elle peint n’est pas une femme : c’est une faille. Un fragment d’humanité à vif, figé dans un instant de vertige où le plaisir est contaminé par une mémoire impossible.

Chez Anna Nativel, la nudité féminine n’est jamais esthétique ou décorative. Elle est invoquée, arrachée, tendue comme une peau de tambour. Ici, les chairs brillent comme huilées, mais l’on sent que rien n’a été apaisé. L’extase n’a pas eu lieu. Elle a été mimée, dissociée, injectée dans une toile qui refuse de choisir entre orgasme et abandon. C’est un corps traumatique, un corps en boucle, comme si la scène n’en finissait pas de se rejouer.

« J’ai voulu peindre une femme dont la jouissance ne m’appartient pas », aurait-elle glissé un jour dans une rare conversation avec un galeriste proche. « Une femme qui se souvient de ce qu’on lui a pris, même quand elle croit qu’elle consent. »

Une esthétique du post-contact : la technique picturale d’Anna Nativel

Le style pictural d’Anna Nativel, brutal et sublime, renforce cette sensation d’extériorité intérieure. Rien ici n’est lisse. La peinture à l’huile est épaisse, presque blessée par endroits, griffée comme une peau trop fine. Le fond noir, récurrent dans les œuvres d’Anna Nativel, absorbe la figure féminine, la digère lentement, comme un gouffre qui avale un cri.

La matière picturale est déposée en couches instables, parfois projetée, parfois étalée au couteau. Chaque geste contient une tension, une violence sourde. Il n’y a ni perspective, ni arrière-plan, ni échappatoire. Le corps est cloué au cadre, comme un dernier aveu.

Une icône profane et sacrée : lecture symbolique de l’image féminine

Certains critiques d’art, notamment sur des forums et dans des publications spécialisées en art contemporain, comparent cette figure à une Madone inversée. Une sainte sans culte, offerte aux regards sans y consentir. Elle n’accueille pas : elle subit. Et dans cette posture figée, sur le fil du sacré et du sexuel, se niche tout le malaise du regard contemporain sur le corps féminin.

Mais Anna Nativel, elle, ne moralise pas. Elle ne condamne ni le regard, ni le désir. Elle expose. Elle isole. Elle place la figure dans un huis clos pictural déroutant. Ses tableaux sont des rituels de vérité. Des actes de mise à nu.

Vers un autoportrait dissimulé ?

Plusieurs critiques, dont Florence Guerlain pour La Revue des Obliques, ont émis l’hypothèse que cette toile serait une forme de confession silencieuse d'Anna Nativel. Pas un autoportrait physique, mais un double psychique. La bouche entrouverte, motif récurrent dans ses œuvres, serait le vestige d’un cri retenu, d’une mémoire du corps non exprimée.

« Elle ne crie pas pour alerter, écrit Guerlain. Elle crie pour rester entière. Elle crie sans son, et c’est nous qui devenons les récepteurs de son trop-plein. »

Ainsi, "Mon paradis a été sponsorisé par les laboratoires", peinture majeure d’Anna Nativel, ne se contente pas de choquer. Elle révèle une vérité féminine crue, dissociée, poignante. Une expérience visuelle et psychique unique dans le paysage de l'art contemporain féminin européen.

Œuvre d’Anna Nativel exposée à la Villa Solstice
Vue de l’accrochage de l’œuvre unique “Mon paradis a été sponsorisé par les laboratoires” (huile sur toile, 130 x 243 cm), Anna Nativel, 2025. Présentée ici dans le cadre privé de la Villa Solstice, Saint-Tropez. 2/2

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