Visites privées

En Normandie, une maison de maître à l'élégance feutrée et sa piscine intérieure

Lauranne Elise Schmitt a redessiné cette demeure du XIXe siècle nichée dans la verdure, la réchauffant d'un style contemporain et coloré, comme un petit château.
normandie maison de maître avec salon rouge
Matthieu Salvaing

En Normandie, une maison de maître aux accents contemporains

Nous sommes en terres normandes, entre Deauville et le Perche. Acquise par un couple de Londoniens, cette bâtisse du XIXe siècle présentait tous les atours de la maison de campagne idéale, façon Moulinsart (le château de Tintin). Mais ses volumes manquaient de charme et d'une identité marquée. Habituée à rafraîchir les lieux chargés d’histoire, l'architecte d'intérieur Lauranne Elise Schmitt est intervenue en respectant le classicisme implicite du site, tout en le faisant vivre avec son temps. À l'aide de tonalités profondes, sa signature, elle a admirablement réveillé la belle endormie.

La bâtisse, du XIXe siècle, a été conçue en pierre de Caen. Jardinières en fonte et bois de chêne, adaptées du modèle original de l'orangerie du Château de Versailles, par Jardins du Roi Soleil.

Matthieu Salvaing

L'héritage patrimonial et familial

La demeure offrant une vue directe sur le château voisin de Guillaume le Conquérant, Lauranne Elise Schmitt a dû composer avec quelques contraintes des Bâtiments de France, notamment sur les coloris. « Et même si le bâtiment n'est pas classé lui-même, il a été conçu en pierre de Caen [une pierre de taille] aux alentours de 1850, donc un certain classicisme s'imposait dans l'aménagement », précise-t-elle. Autre paramètre important, le propriétaire a racheté le bien à ses propres parents, teintant de fait la rénovation d'une valeur sentimentale. « Ils voulaient penser ce pied-à-terre comme leur résidence principale, explique l'architecte d'intérieur, pour que leurs enfants y créent leurs souvenirs ». Une fois ces conditions posées, Lauranne Elise Schmitt a œuvré à « créer la surprise dans chacune des pièces et dessiner une atmosphère qui rende le parcours intéressant ».

Lauranne E. Schmitt a dessiné les chaises et la table à manger, habillée d'une marqueterie de mosaïque sur mesure par Pierre Mesguich. Vases par Alissa Volchkova (Galerie Scène Ouverte), sculpture par Jean-Pierre Bonardot et lampe de table (Aurélien Gendras), lustres Barovier, miroir vintage. Commode et vases familiaux.

Matthieu Salvaing

« Un petit hôtel »

Élevée sur deux étages, riche de 500 mètres carrés, la propriété s'est finalement offerte comme « une grande maison d'hôtes, un petit hôtel, pouvant tout de même accueillir une vingtaine de personnes ». Guidée par l'esprit d'une villa de famille accueillante, l'architecte d'intérieur a travaillé sur une harmonie qui mêle la modernité au charme de l'ancien, sans tomber dans le cliché de la maison de campagne, des toiles de Jouy et des boiseries excessives. « Les propriétaires sont des citadins qui habitent Londres, avec une vie sophistiquée, urbaine, rappelle-t-elle. Je me suis donc efforcée de créer une ambiance pas trop rurale, mais qui pourrait, au contraire, aussi bien convenir à une maison de ville ».

L'entrée dévoile un plafond peint en ciel, basé sur un dessin de Lauranne E. Schmitt. Sculpture par Laurent Dufour (Aurélien Gendras), stèle par RoWin’ Atelier (Galerie Scène Ouverte). Peinture de Bonnie Colin (Galerie Amélie du Chalard). Guéridon et chaise longue par Lea Zeroil. Coussins Maison de Vacances, appliques murales Soho Home, lustre familial.

Matthieu Salvaing

Le petit salon est la signature visuelle forte de la rénovation, avec ses tons terreux profonds. Plateau de table et tabouret Primo Tortoise par Lea Zeroil, shaker en métal argenté, carafe à whisky en cristal et coffret de deux verres old fashioned en cristal de la collection Graphik de Christofle.

Matthieu Salvaing

Une palette chaleureuse

Pour amorcer ce récit visuel, l’entrée donne le ton avec des teintes pastels évoquant les paysages environnants. « Je voulais que l’on pénètre dans un tableau végétal, un sas de décompression qui crée une vraie rupture avec la ville. Relier le dedans et le dehors sans tomber dans l’évidence du papier peint fleuri », explique-t-elle. Imaginé comme un boudoir ou une cigar room, le petit salon cultive une atmosphère chaude, confidentielle, à l'aide de tons suaves et de matières enveloppantes. « Cette pièce crée également le contraste, ajoute l'architecte d'intérieur. La douceur des assises en velours apaise la sobriété de la table basse géométrique, que j'ai dessinée comme dans un gentlemen's club italien des années 1980, où jouer au backgammon. »

Le petit salon, vu depuis la salle à manger. Paire de fauteuils (Galerie Glustin), meuble bar par Lauranne E. Schmitt, lampe et tabouret, initialement conçu pour un intérieur Pierre Chareau, réédité par la Galerie MCDE (tissu Métaphores). Table d'appoint (MCDE). Table basse vintage, peinture d'Anastasia Bay, vases par Rinke Joosten (Galerie Scene Ouverte). Faïence par Jean Roger, applique vintage.

Matthieu Salvaing

Comme dans un château, la bibliothèque est une pièce particulièrement feutrée et intimiste, révélant des étagères toute hauteur de 3,50 mètres où loger les nombreux ouvrages de la propriétaire. Paire de fauteuils Nobilis (Galerie Glustin), tables basses Aurélien Serre Éditions. Appliques murales, Visual Comfort & Co, tapis Éditions 1.6.9.

Matthieu Salvaing

Le twist contemporain

Le grand séjour et la salle à manger expriment davantage de classicisme — moulures, lustres et cheminée ; tout en recelant quelques twists, à l'instar de la mosaïque contemporaine de Pierre Mesguich sur le plateau de la table à manger « aux motifs assez traditionnels de végétation, mais aux couleurs plus pop comme le vert menthe ». Pendant du petit salon, la bibliothèque a remplacé la pièce consacrée aux chiens des précédents occupants. Un espace habité, donc, et pensé comme dans un château par l'architecte d'intérieur, avec une échelle pour accéder aux ouvrages les plus élevés, logés sous 3,50 mètres de hauteur. « La propriétaire est une grande lectrice, qui répertorie ses livres sur une application. Cette bibliothèque est un havre de paix où s'échapper du monde, mais aussi un lieu de transmission, où elle partage sa passion littéraire avec ses enfants. »

L'ambiance est plus formelle dans le séjour. Canapé et fauteuils par Aurélien Serre Éditions, guéridon de Lea Zeroil, table basse (Galerie Glustin). Jeu d'échec par Walter Moretti Editions, lampadaire du Studio Blue Green Works (Triode). Cheminée belge récupérée du XIXe siècle. Appliques par Objet Insolite. Crocodile en ivoire et lustre familiaux. Tapis sur mesure.

Matthieu Salvaing

La cuisine a été pensée dans un souci de fonctionnalité, d'élégance et en clin d'œil à la rusticité des lieux. Œuvres d'Alexandre Benjamin Navet (Galerie Derouillon), vases en verre de Rinke Joosten (Galerie Scene Ouverte). Grand plateau de Christofle, vases en porcelaine chinoise de la collection personnelle du client.

Matthieu Salvaing

La cuisine, elle, joue davantage la carte champêtre, dévoilant un vaisselier toute hauteur, sans pour autant forcer la rusticité. « Je la voulais élégante avec du bois, des miroirs pour agrandir l'espace et des objets de décoration contemporains pour tempérer l'aspect fonctionnel de la cuisine », indique Lauranne Elise Schmitt.

La chambre parentale s'apparente à une suite. Tabouret de Lea Zeroil, vase par Alissa Volchkova (Galerie Scène Ouverte), œuvre de Shuo Hao (Galerie Derouillon), applique murale vintage de Carlo Giorgi. Tapis de Deirdre Dyson, tête de lit par Lauranne E. Schmitt, draps Maison de Vacances, coussin recouvert de tissu Schumacher.

Matthieu Salvaing

La salle d'eau est une bulle bleue apaisante et raffinée. Meuble vasque par Lauranne E. Schmitt, vases de Rinke Joosten et sculpture hibou de Saraï Delfendahl (Galerie Scene Ouverte) sur un tabouret (Aurélien Gendras). Tapis de Deirdre Dyson, applique par Astro.

Matthieu Salvaing

Confort et sophistication

Créée à l'image d'une suite d'hôtel, la chambre principale est doublée d'une salle de bains « pas seulement pratique, mais où l'on veut passer du temps », d'où l'apport d'un fauteuil et d'une large baignoire où se détendre, autour d'une esthétique « petit salon » volontairement travaillée — moulures, fresque... « Quand on a des enfants, on a envie de se prélasser dans son bain, se sentir hors du temps », note l'architecte d'intérieur, qui a, là encore, usé de bois (un chêne teinté acajou) pour allier classicisme, raffinement et modernité sur la vasque.

À chaque chambre d'enfant sa couleur. Dessin au pastel Lauranne E. Schmitt, applique murale par Visual Comfort.

Matthieu Salvaing

Déclinée en bleu, cette chambre d'enfant possède elle aussi une salle d'eau attenante. Applique murale par Visual Comfort.

Matthieu Salvaing

Côté enfants, les chambres adoptent un look plus british, à la manière de Wes Anderson, coloré et suranné. Aussi, afin d'identifier chaque chambre, différentes nuances ont été appliquées, créant un mini-univers pour chaque membre de la famille. Les salles de bains, habillées de carreaux brillants, insufflent « l'ambiance d'une école anglaise, avec les bonnes couleurs, les bons habits ». Enfin, clou du spectacle, la piscine — de quelque 60 mètres carrés – vient se fondre dans le jardin, où 300 nouveaux arbres ont été plantés et une fontaine ajoutée, conférant définitivement à ce domaine les qualités d'un vrai château normand.

La grande baignoire, pensée comme un petit salon. Œuvre d'art huile sur toile par Bonnie Colin (Galerie Amélie du Chalard), vases en porcelaine chinoise de la collection personnelle du client.

Matthieu Salvaing

L'architecte d'intérieur Lauranne Elise Schmitt pose dans le séjour, devant l'œuvre d'art Monument de Maude Maris (huile sur toile).

Matthieu Salvaing

La piscine, installée dans le jardin sous sa grande verrière en serrurerie, offre la possibilité de se baigner même en hiver.

Matthieu Salvaing

Lauranne Elise Schmitt : lauranneeliseschmitt.com — Instagram : @lauranneeliseschmitt