« Nous sommes dans un immeuble des années 2000 », introduit Joanne Riachi. L'architecte libanaise-américaine, fondatrice de l'Atelier Jori, a été missionnée pour rénover un petit espace de 66 mètres carrés, à Montreuil, pour un jeune couple. « L'entrée du bâtiment, impressionnante, donne le ton. Nous avons eu envie de retrouver la lecture du plan, très libre. » Ce plan ouvert offre un balcon filant d'un côté de l'appartement, et une seconde terrasse de l'autre. À partir de la circulation originale, Joanne Riachi a décloisonné les espaces y a injecté le plus de clarté possible. Pour cela, elle a usé de modules pour remplacer les cloisons et d'une verrière murale pour laisser la lumière traverser les pièces. Le résultat ? Un intérieur post-moderne, en symbiose avec son immeuble, mais aussi très épuré. Visite.
Ouverture, luminosité et sobriété écologique
« On est passé de sept à trois portes », note l'architecte pour illustrer l'important travail de décloisonnement mené à travers ces 66 mètres carrés (voir plans en fin d'article). Inspirée par le balcon filant et la terrasse ouvrant sur le ciel de Montreuil, elle a ouvert des accès à ces extérieurs depuis chaque pièce de l'appartement, leur donnant par la même occasion une luminosité optimale. « Par exemple, la lumière naturelle ajoutée dans la salle de bains permet à la fois d'apporter un confort visuel, mais aussi de réduire la consommation de chauffage grâce au soleil. » Aussi, une verrière a été ajoutée entre le salon et l'une des chambres, afin d'obtenir un espace complètement traversant.
Dans cet objectif de réduction de l'impact environnemental de l'habitat, Joanne Riachi a pensé l'ensemble de l'isolation de manière écologique. « On a essayé d'adopter une démarche vertueuse, en utilisant du caoutchouc recyclé de pneus pour l'isolation ». Les luminaires et piètements de meubles en acier sont également issus du réemploi. Aussi, la verrière murale entre la chambre et le salon a été conçue « avec le cadre le plus fin », de même que les bibliothèques de la chambre dessinées « avec le moins de matière possible, dont des montants en acier qui accueillent la verrière ». L'architecte, dont l'écologie porte la plupart des projets, ne manque pas de rappeler l'étymologie de « Jori », le nom de son studio qui, « d'après le grec ancien Γεώργιος, évoque une relation à la terre, à l’ancrage, à ce qui s’inscrit dans la durée ». « Notre démarche vise à réconcilier la forme, l’usage et le climat », complète-t-elle.
Un petit espace pensé pour recevoir
Malgré la surface relativement réduite, les propriétaires avaient pour envie de pouvoir recevoir comme bon leur semble, cuisiner et faire des cocktails pour leurs invités. « L'idée était de pouvoir à la fois lire, accueillir, et en même temps, faire la cuisine, précise l'architecte. Donc on a pensé un mobilier autoportant en merisier pour structurer la cuisine sans l'isoler du salon. Le mériser a une grande faculté de mise en œuvre et de travail du détail ».
Pour rythmer encore davantage l'impact du meuble dans la pièce, une trame répétitive en bois teinté rose a été ajoutée pour rappeler la couleur du mérisier. « Parce qu'ils adorent le rose », indique-t-elle. Un détail non négligeable, puisque les propriétaires souhaitaient, à l'origine, une cuisine entièrement rose. « Pour conserver leur volonté tout en apportant de la subtilité, on a travaillé ensemble sur ce bois de mérisier à la teinte rosée. » Le module, agrémenté d'Inox, fait ainsi office d'étagère de rangement, de plan de travail et de bar où préparer les fameux cocktails.
Des chambres lumineuses et intimistes
La première chambre, plus petite que la seconde, présentait le challenge de devoir accueillir des rangements, une bibliothèque, un bureau, tout en gardant l'espace traversant grâce la verrière. Une ouverture permettant à la fois d'apporter la clarté nécessaire, sans transiger sur l'intimité de la chambre, préservée grâce au store à refermer au besoin. « L'idée était de pouvoir tout voir depuis n'importe quel endroit, de casser l'intimité quand on le veut et de la récupérer dès qu'on veut. »
Grâce à sa surface légèrement plus grande, la seconde chambre abrite davantage de rangements. Dans un souci d'unité, le mérisier a été employé pour la bibliothèque de cette chambre, un clin d'œil à la pièce à vivre.
Post-modernisme et minimalisme
« Globalement, on a tenté d'œuvrer avec le minimum de matières, dans la plus grande sobriété, en valorisant l'espace, souligne l'architecte. L'architecture de l'immeuble est contemporaine, donc j'ai voulu garder un lien avec ce style post-moderne : à la fois vertueux, minimaliste et un peu ludique ». Pour ce dernier point, elle a ponctué les lieux de couleurs et d'objets qui amènent un rythme bienvenu. Si l'entrée est plutôt restreinte, dotée de rangements et d'un dressing, elle ouvre sur un espace beaucoup plus vaste, afin de jouer sur l'effet de contraste et de surprise. « Nous avons aussi voulu redonner à lire la structure d'origine, ajoute Joanne Riachi. Comme l'un des murs est mitoyen, on pu faire réapparaître le béton brut original. » Certaines portes ont aussi été rendues invisibles pour renforcer l'impression d'espace autant que possible.
Suffisamment singulier dans un petit espace pour être noté, (presque) l'ensemble du mobilier a été dessiné par Joanne Riachi. Son travail a, d'ailleurs, été sélectionné par la Villa Noailles parmi les lauréat.e.s de la Design Parade de Toulon cette année, aux côtés de Magali Lamoureux. Elle s'explique : « À cette occasion, nous sommes invités à aménager une pièce du vieil évêché de Toulon, qui sera ouverte au public dans le cadre d’une exposition du 26 juin au 2 novembre 2025. Nous y présentons une pièce imaginée comme un lieu suspendu entre ciel et mer : la ligne d’horizon de la Méditerranée y entre littéralement dans l’espace. Un plan horizontal en bois la prolonge, effaçant la frontière entre l’intérieur et le paysage. Il fait chaud dehors. On s’assoit les pieds dans le sable, comme au fond marin, là où, sous la surface chauffée par le soleil, les profondeurs demeurent toujours fraîches. Nous sommes submergé.e.s. À travers cette fenêtre, la mer nous invite à rêver. » Une invitation prometteuse.