La décoratrice Alix Thomsen signe l'intérieur d'une grande actrice française à Paris
Ville de tous les fantasmes, Paris regorge de ces petites maisons de campagne, cachées dans un havre de paix à l’abri du tohubohu des boulevards haussmanniens. Touristes, rêveurs et couples d’amoureux arpentent les rues au gré des flâneries dans l’espoir de dénicher la perle rare. Ils auront bien du mal à trouver celle-ci, tant elle est encastrée entre plusieurs immeubles, bien protégée derrière son portail. Un halo de mystère pourrait même l’entourer. Qui occupait les lieux autrefois ? Mais surtout, qui habite cette petite maison à deux étages aujourd’hui ? Depuis le jardin, on lorgne à travers les fenêtres. Un salon aux faux airs coloniaux nous ferait croire à une aventurière : aux murs, de généreuses feuilles de palmier dorées s’agitent autour des canapés verts, rehaussés çà et là par quelques fauteuils perlés multicolores arrivés tout droit du Sénégal. Les exotismes se confondent librement sous les moulures chargées, témoins d’un passé XIXe siècle resté intact, ces temps où les mœurs bourgeoises battaient leur plein. Aujourd’hui, une jeune comédienne aurait posé ses valises ici, encanaillant un peu l’ensemble avec l’aide d’une complice décoratrice.
Cette dernière, c’est Alix Thomsen, qui a su interpréter les envies de ladite comédienne, autant de facettes que les rôles qui remplissent sa vie. Au fil des pièces, les identités s’alternent, se bousculent, se contredisent parfois, venant troubler ce portrait crypté d’une aventurière des temps modernes. « Je ne travaille pas vraiment selon un plan prédéfini, c’est plutôt un esprit work in progress permanent, nous confie la décoratrice. Je préfère écouter ce que le lieu a à me raconter, quitte à me laisser aller dans plusieurs directions différentes et ne jamais répéter le même style partout. » Un credo idéal lorsque l’on arrive dans une maison avec mille souvenirs qui doivent chacun trouver leur place : un lit de Pierre Chareau en guise de cadeau parental, des tableaux de la collection familiale, un coup de cœur personnel glané à la dernière vente Boutet de Monvel chez Sotheby’s et une joyeuse collection d’objets africains… soigneusement rangés dans un vaste cabinet de curiosités contemporain.
C’est sous les toits que ce cabinet a été installé. Une drôle de géométrie irrégulière taillée dans le bois de la structure préexistante et stylisant une mezzanine qui se prolonge en étagère murale. Une idée sur mesure, comme Alix Thomsen sait les concevoir, spontanément, en s’adaptant : « Ici, c’était aussi une manière d’accentuer la hauteur sous plafond, mais ça s’est développé au fur et à mesure. Je n’ai fait que prendre des risques en fonction des lieux qui se présentaient sans les dénaturer, et surtout sans aller nécessairement chercher le côté ostentatoire du sur-mesure. Il ne faut pas que cela se sente trop. » Réalisée par Freewood à Saint-Denis, la table basse en bois exotique et laiton brossé a suivi le même schéma, tout comme le tapis commandé chez Codimat. Et là où il fallait créer un jeu de portes, il aura suffi d’en chiner une et de la reproduire en face, comme si elle avait toujours été là. Par le truchement de cet artifice, on s’avance ainsi dans ce décor de cinéma, à travers les styles et les rôles d’une insaisissable héroïne. Spectateurs de sa vie, entre la réalité et la fiction d'une maison de campagne idyllique.
Avec son studio basé à Paris, l'architecte d'intérieur Alix Thomsen explique « élaborer, chercher et développer chaque projet par couches, accordant des gestes de l’intime au distant ». Tournée vers l'individu, elle se concentre sur le propriétaire qu'elle considère comme « la première couche des fondations », créant et organisant les volumes autour du quotidien d'une famille, des habitants. « Les styles s’y mêlent et l’imparfait catalyse avec tact et écoute, le visible et l’invisible » peut-on lire sur le site de l'architecte qui compose des intérieurs depuis 2012 entre projets privés, hôtels à l'image de l’Hôtel Paradiso à Paris — le premier hôtel-cinéma de l'histoire, et un bateau en Indonésie.
Ces maisons de célébrités à Paris, enclaves secrètes à l'abri des regards
Depuis qu’il a posé le pied à Paris pour la première fois en 1989, à 25 ans, afin de promouvoir son album Let Love Rule, Lenny Kravitz est amoureux de la ville. Au début des années 2000, il a ressenti le besoin d’y établir un pied-à-terre : « Un petit appartement d’une chambre donnant sur la Seine, où je pourrais écrire tranquillement », se souvient-il. Un jour, l’agent immobilier lui dit : « J’ai quelque chose. Ce n’est pas ce que vous cherchez, mais il faut que vous le voyiez. »
Le choix de la demeure reflète les goûts personnels de Camille Razat, qui a opté pour un loft de style industriel. Pour décrire ce choix, l'actrice fait part de son goût prononcé pour le minimalisme et pour ce sentiment de confort qu'elle trouve dans les grands espaces comme celui qu'elle habite aujourd'hui. « Quand je suis entrée la première fois dans la cour de l'immeuble, j'en suis immédiatement tombée amoureuse », se souvient l'actrice.
Lorsque Nour Arida, mannequin et militante libanaise, s’est installée en France en 2020, elle savait déjà qu’elle voulait un appartement haussmannien à Paris, dans le 7e arrondissement, bien qu’elle n’y ait jamais vécu auparavant. Ce n’était pas pour être à proximité de la tour Eiffel ni pour côtoyer les épouses de milliardaires du quartier du Gros Caillou, l’un des plus huppés de la capitale, à seulement cinq minutes de son pied-à-terre, au bord du parc du Champ-de-Mars. La raison était bien plus simple : « Cela me rappelait mon pays », confie-t-elle.