C'est la maison à Chambourcy d’un couple de jeunes trentenaires dans laquelle le propriétaire a grandi. Cette maison des Yvelines des années 1980 n'a pas de grande qualités esthétiques d'origine lorsque Tom Floquet s’en voit confier la rénovation. À l'intérieur, elle possède de très grands volumes et une immense cheminée classique en pierre trône au centre de la pièce de vie, entre deux fenêtres. « Nous avons réfléchi au projet à travers les souvenirs de son ancien habitant afin de comprendre plus en profondeur les qualités de vie de la maison, confie l’architecte. La plus importante est la lumière, qui entre par les baies et les fenêtres disposées sur toutes les façades et traverse toutes les pièces. Des ouvertures aux formes courbes qui vont inspirer les gestes architecturaux à venir. » Cette lumière qui suit la courbe du soleil baigne des espaces de vie et de nuit extrêmement vastes – la maison mesure 9 mètres de large. Il s’agit donc de répondre à un surdimensionnement du plan tout en permettant à la lumière de continuer à baigner les espaces, mais aussi les décloisonner et de les séquencer.
Le plan n’est pas fondamentalement modifié : si la cuisine conserve son emplacement, elle est totalement ouverte. La cheminée de château qui s'avance de façon imposante au centre du séjour et le sépare en deux n’est pas conservée. Elle est remplacée par une structure plus contemporaine, décollée du trumeau afin d’en alléger l’architecture, plus sculpturale, à foyer ouvert sur trois côtés dans une esthétique à la Brancusi. Sa banquette est volontairement surdimensionnée afin de s'y asseoir et de stocker des bûches à sa base. Elle est désormais un élément structurant de la grande pièce de vie, distribuant les fonctions en rayon autour d’elle dans des architectures courbes qui la dupliquent et lui répondent. Ainsi, en face, encadrant le canapé, un espace bureau en okoumé teinté occupe un angle de la pièce qui était délaissé. « Il donne de nouvelles lignes au séjour tout en réduisant ses dimensions trop en profondeur et crée un espace de télétravail, demande des propriétaires, explique Tom Floquet. Nous l’avons envisagé en d'estrade avec un double emmarchement, ce qui offre un point de vue en léger surplomb sur le reste du salon dans un axe idéal pour une vue la plus agréable possible lorsqu’on y est installé. » À la base de l’estrade, une banquette accueille livres, objets ainsi que convives lors des soirées, complétant le canapé et les assises disposées dans ce coin salon.
En face, de l’autre côté de la vaste pièce, un troisième module-pivot fait la liaison avec la cuisine, dorénavant ouverte mais séparée visuellement par un îlot-bar surmonté d’un grand cadre vitré qui se prolonge côté salle à manger en longue banquette intégrée. C’est tout l’esprit architectural de cette rénovation menée par Tom Floquet : celle de créer des éléments menuisés qui structurent l’espace et autour desquels se font les circulations. L’entrée est dissimulée par des rangements toute hauteur en okoumé qui dupliquent la forme courbe de la cheminée et uniformisent visuellement cette partie de la maison.
Là où Tom Floquet porte plus loin son travail de dissociation et de séquencement de l’espace, c’est en créant une grande courbe qui rompt la géométrie préexistante de la pièce et sépare en diagonale les deux sous-espaces. Une ligne courbe séparant un parquet de chêne clair côté salon et un sol en pavés de pierre de Bourgogne côté salle à manger et cuisine. Un geste architectural que l'on retrouve en symétrie parfaite dans un faux plafond spectaculaire qui intègre les éclairage spécifiques de ces pièces plus fonctionnelles.
On retrouve donc ici le jeu de matérialité que développe l’architecte dans ses différents projets. Travaillant le dessin de ses installations menuisées et interventions intérieures à la façon de petits objets mobiliers architecturaux voire sculpturaux, il parfait leur mise en valeur par l’utilisation des couleurs propres à leurs matières. Ainsi, la cheminée en métal et plâtre repose sur un sol en bois quand, à l'inverse, le bar en okoumé repose sur un sol en pierre, façon de donner le dernier mot aux teintes naturelles et à la vérité des matières. « Je crée des espaces les plus intemporels possibles afin que les occupants s’approprient les lieux à travers la couleur, la vivacité d’objets du quotidien qui vont changer au cours de leur vie. Des couleurs trop franches, figées dans le temps, ôteraient cette intemporalité. »
Démonstration dans la partie nuit, séparée entre un dressing, une chambre et la salle de bains à la façon d’une grande suite parentale dont deux portes coulissantes créent une séparation presque japonisante en lin et fin meneaux de bois clair. La chambre elle-même poursuit la métaphore du calme et du repos avec une tête de lit vert matcha très clair et des éléments de bois clair traçant des lignes immaculées sur le blanc de la suite. Des portes coulissantes toute hauteur que l’on croirait intégrées à la tête de lit mènent à la salle de bains traitée en rectangles de carreaux de céramique façon terre cuite et d'inspiration plus méditerranéenne.
Et n’oublions pas la sélection de mobilier opérée par Tom Floquet pour ponctuer l’espace. Peu de pièces, mais que l’on remarque d’autant mieux. Des pièces chinées ou non, ici cette table ancienne pour la salle à manger, là un ottoman de Mies Van Der Rohe, une chaise signée Arne Jacobsen et, surtout, cette prédilection pour les tabourets, table, table de chevet issus des collection de l’atelier d’architecture et de mobilier Matera-Matang, fondé en 2022 par Ophélie Dozat et Lucien Dumas et que nous avions découvert à Design Parade Hyères 2023 et retrouvé au Mobilier national cette année. On ne s’en étonne pas, tant les pièces de ces derniers jouent sur les échelles pour créer des meubles comme des architectures, structurées et assemblées par coutures et tissages, les pièces de bois maintenues par une corde en papier. Ainsi, le larmier se fait poignée, le bardage à clin sert de tiroirs et le bois brûlé joue le rôle de finition dans une utilisation de matériaux naturels qui les inscrit en droite ligne du travail de Tom Floquet dont on ne peut clore la visite de la maison sans s’arrêter sur la cuisine qu’il a dessinée dans deux tonalités de chêne, les portes plus claires que leurs encadrements et qu’il intègre à l’îlot-bibliothèque du coin repas en okoumé par un plan en pierre naturelle qui unifie l’ensemble. « C'est une cuisine presque professionnelle, surdimensionnée pour un propriétaire qui aime cuisiner. Elle est imaginée comme un atelier de préparation, aux fonctionnalités multiples et que l’esthétique doit refléter. » On note les pavés en pierre qui courent jusqu’à la baie menant à la terrasse, en pierre également, dans une continuité pensée entre intérieur et extérieur dans ce langage axé sur la lumière et la matière développé de belle manière par Tom Floquet.
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