Visites privées

La géométrie en lignes et en courbes d'une maison revue par un architecte près de Paris

Lumière et vérité de la matière ont guidé cette rénovation menée par l’architecte Tom Floquet. Dans un dessin formel assumé, ses éléments de mobilier intégré tout en courbes offrent à ses espaces ouverts mais séquencés des lignes, des transparences et des perspectives.
La gomtrie en lignes et en courbes dune maison revue par un architecte près de Paris
Jean-Baptiste Thiriet

C'est la maison à Chambourcy d’un couple de jeunes trentenaires dans laquelle le propriétaire a grandi. Cette maison des Yvelines des années 1980 n'a pas de grande qualités esthétiques d'origine lorsque Tom Floquet s’en voit confier la rénovation. À l'intérieur, elle possède de très grands volumes et une immense cheminée classique en pierre trône au centre de la pièce de vie, entre deux fenêtres. « Nous avons réfléchi au projet à travers les souvenirs de son ancien habitant afin de comprendre plus en profondeur les qualités de vie de la maison, confie l’architecte. La plus importante est la lumière, qui entre par les baies et les fenêtres disposées sur toutes les façades et traverse toutes les pièces. Des ouvertures aux formes courbes qui vont inspirer les gestes architecturaux à venir. » Cette lumière qui suit la courbe du soleil baigne des espaces de vie et de nuit extrêmement vastes – la maison mesure 9 mètres de large. Il s’agit donc de répondre à un surdimensionnement du plan tout en permettant à la lumière de continuer à baigner les espaces, mais aussi les décloisonner et de les séquencer.

Une cheminée contemporaine à l’architecture sculpturale voit sa banquette volontairement surdimensionnée afin de s'y asseoir. Elle est un élément structurant de la grande pièce de vie, distribuant les fonctions en rayon autour d’elle dans des architectures courbes qui la dupliquent et lui répondent. Au premier plan, un ottoman Barcelona de Mies Van Der Rohe.

Jean-Baptiste Thiriet
Un mobilier à la fois module pivots

Le plan n’est pas fondamentalement modifié : si la cuisine conserve son emplacement, elle est totalement ouverte. La cheminée de château qui s'avance de façon imposante au centre du séjour et le sépare en deux n’est pas conservée. Elle est remplacée par une structure plus contemporaine, décollée du trumeau afin d’en alléger l’architecture, plus sculpturale, à foyer ouvert sur trois côtés dans une esthétique à la Brancusi. Sa banquette est volontairement surdimensionnée afin de s'y asseoir et de stocker des bûches à sa base. Elle est désormais un élément structurant de la grande pièce de vie, distribuant les fonctions en rayon autour d’elle dans des architectures courbes qui la dupliquent et lui répondent. Ainsi, en face, encadrant le canapé, un espace bureau en okoumé teinté occupe un angle de la pièce qui était délaissé. « Il donne de nouvelles lignes au séjour tout en réduisant ses dimensions trop en profondeur et crée un espace de télétravail, demande des propriétaires, explique Tom Floquet. Nous l’avons envisagé en d'estrade avec un double emmarchement, ce qui offre un point de vue en léger surplomb sur le reste du salon dans un axe idéal pour une vue la plus agréable possible lorsqu’on y est installé. » À la base de l’estrade, une banquette accueille livres, objets ainsi que convives lors des soirées, complétant le canapé et les assises disposées dans ce coin salon.

Deux grandes courbes, au sol et au plafond, se répondent et dessinent un séquençage visuel entre le salon et la partie salle à manger et cuisine. Le parquet en chêne brut dialogue avec des pavés de pierre naturelle . Devant une banquette en contreplaqué d'okoumé qui prolonge la bibliothèque-îlot de la cuisine, une table en bois brut vintage et, devant, des chaises Série 7 d'Arne Jacobsen.

Jean-Baptiste Thiriet
Des courbes architecturales

En face, de l’autre côté de la vaste pièce, un troisième module-pivot fait la liaison avec la cuisine, dorénavant ouverte mais séparée visuellement par un îlot-bar surmonté d’un grand cadre vitré qui se prolonge côté salle à manger en longue banquette intégrée. C’est tout l’esprit architectural de cette rénovation menée par Tom Floquet : celle de créer des éléments menuisés qui structurent l’espace et autour desquels se font les circulations. L’entrée est dissimulée par des rangements toute hauteur en okoumé qui dupliquent la forme courbe de la cheminée et uniformisent visuellement cette partie de la maison.
Là où Tom Floquet porte plus loin son travail de dissociation et de séquencement de l’espace, c’est en créant une grande courbe qui rompt la géométrie préexistante de la pièce et sépare en diagonale les deux sous-espaces. Une ligne courbe séparant un parquet de chêne clair côté salon et un sol en pavés de pierre de Bourgogne côté salle à manger et cuisine. Un geste architectural que l'on retrouve en symétrie parfaite dans un faux plafond spectaculaire qui intègre les éclairage spécifiques de ces pièces plus fonctionnelles.

Un espace bureau est aménagé dans un angle du salon, reprenant les courbes introduites pour adoucir visuellement l'espace. Élément menuisé architecturé, il est dessiné sous la forme d'une estrade et réalisé en contreplaqué d'okoumé. À sa base, un banc permet de poser des objets ou de s'asseoir.

Jean-Baptiste Thiriet
Chêne, lin et okoumé

On retrouve donc ici le jeu de matérialité que développe l’architecte dans ses différents projets. Travaillant le dessin de ses installations menuisées et interventions intérieures à la façon de petits objets mobiliers architecturaux voire sculpturaux, il parfait leur mise en valeur par l’utilisation des couleurs propres à leurs matières. Ainsi, la cheminée en métal et plâtre repose sur un sol en bois quand, à l'inverse, le bar en okoumé repose sur un sol en pierre, façon de donner le dernier mot aux teintes naturelles et à la vérité des matières. « Je crée des espaces les plus intemporels possibles afin que les occupants s’approprient les lieux à travers la couleur, la vivacité d’objets du quotidien qui vont changer au cours de leur vie. Des couleurs trop franches, figées dans le temps, ôteraient cette intemporalité. »
Démonstration dans la partie nuit, séparée entre un dressing, une chambre et la salle de bains à la façon d’une grande suite parentale dont deux portes coulissantes créent une séparation presque japonisante en lin et fin meneaux de bois clair. La chambre elle-même poursuit la métaphore du calme et du repos avec une tête de lit vert matcha très clair et des éléments de bois clair traçant des lignes immaculées sur le blanc de la suite. Des portes coulissantes toute hauteur que l’on croirait intégrées à la tête de lit mènent à la salle de bains traitée en rectangles de carreaux de céramique façon terre cuite et d'inspiration plus méditerranéenne.

Les espaces sont ouverts pour faire circuler la lumière. Pour les séquencer, une grande courbe matérialisée au sol par un contraste de matières (chêne et pavés de pierre naturelle) et par un faux plafond ainsi qu'un rangement toute hauteur qui isole la porte d'entrée de la vue. Un îlot se fait bibliothèque puis banquette côté salle à manger. Suspension Arcs (HAY).

Jean-Baptiste Thiriet
Une sélection de pièces soignée

Et n’oublions pas la sélection de mobilier opérée par Tom Floquet pour ponctuer l’espace. Peu de pièces, mais que l’on remarque d’autant mieux. Des pièces chinées ou non, ici cette table ancienne pour la salle à manger, là un ottoman de Mies Van Der Rohe, une chaise signée Arne Jacobsen et, surtout, cette prédilection pour les tabourets, table, table de chevet issus des collection de l’atelier d’architecture et de mobilier Matera-Matang, fondé en 2022 par Ophélie Dozat et Lucien Dumas et que nous avions découvert à Design Parade Hyères 2023 et retrouvé au Mobilier national cette année. On ne s’en étonne pas, tant les pièces de ces derniers jouent sur les échelles pour créer des meubles comme des architectures, structurées et assemblées par coutures et tissages, les pièces de bois maintenues par une corde en papier. Ainsi, le larmier se fait poignée, le bardage à clin sert de tiroirs et le bois brûlé joue le rôle de finition dans une utilisation de matériaux naturels qui les inscrit en droite ligne du travail de Tom Floquet dont on ne peut clore la visite de la maison sans s’arrêter sur la cuisine qu’il a dessinée dans deux tonalités de chêne, les portes plus claires que leurs encadrements et qu’il intègre à l’îlot-bibliothèque du coin repas en okoumé par un plan en pierre naturelle qui unifie l’ensemble. « C'est une cuisine presque professionnelle, surdimensionnée pour un propriétaire qui aime cuisiner. Elle est imaginée comme un atelier de préparation, aux fonctionnalités multiples et que l’esthétique doit refléter. » On note les pavés en pierre qui courent jusqu’à la baie menant à la terrasse, en pierre également, dans une continuité pensée entre intérieur et extérieur dans ce langage axé sur la lumière et la matière développé de belle manière par Tom Floquet.
tomfloquet.com

La vaste pièce de vie à la géométrie tout en courbes et en lignes réalisée par l'architecte Tom Floquet à partir des fenêtres en arc d'origine. La cuisine est séparée visuellement par un grand cadre vitré auquel répond une bibliothèque basse toute en cases. De gauche à droite, une table de chevet en bois brulé TC 01 (Matera Matang), un ottoman Barcelona de Mies Van Der Rohe, un tabouret Rassoi en orme et une table basse Vernon (les deux Matera Matang). Tapis chiné.

Jean-Baptiste Thiriet

L'espace de nuit est, comme la pièce de vie, très vaste. Tom Floquet n'a eu aucun mal à en repenser le plan à la façon d'une suite parentale comprenant un dressing, une chambre et une salle de bains, toutes trois de grande taille. Dans le dressing, au sol un parquet de chêne brut quand des caissons et panneaux en MDF sont habillés de peinture Chaux Ferrée (Ressource) ou laissés en chêne teinté foncé, comme les fines et longues poignées dans une élégance aux accents japonisants.

Jean-Baptiste Thiriet

Les doubles portes séparant le dressing de la chambre sont en lin et fins meneaux de chêne, dans une géométrie épurée. « On a travaillé un dessin le plus élégant possible pour participer au dessin de cette chambre parentale », confie l'architecte Tom Floquet.

Jean-Baptiste Thiriet

Deux portes coulissantes toute hauteur en chêne dissimulent deux accès à la salle de bains de chaque côté de la tête de lit et disparaissent dans la cloison. La tête de lit est habillée de tissu vert matcha très pâle (Casa). Tableau sur la tête de lit (Atelier Fala).

Jean-Baptiste Thiriet

La salle de bains est habillée de rectangles de Grès cérame finition argile Raster Clay jusqu'au tiers des murs, donnant l'illusion d'évoluer dans un bassin de piscine dans ses dimensions – plus de 9 mètres. Tabouret Rassoi en orme (Matera Matang). Robinetterie en métal brossé.

Jean-Baptiste Thiriet

Rangements et meuble vasque sont en plaqué chêne teinté, poignées et robinetterie en métal brossé.

Jean-Baptiste Thiriet