Lenny Kravitz nous ouvre les portes de l’Hôtel de Roxie
Depuis qu’il a posé le pied à Paris pour la première fois en 1989, à 25 ans, afin de promouvoir son album Let Love Rule, Lenny Kravitz est amoureux de la ville. Au début des années 2000, il a ressenti le besoin d’y établir un pied-à-terre : « Un petit appartement d’une chambre donnant sur la Seine, où je pourrais écrire tranquillement », se souvient-il.
Un jour, l’agent immobilier lui dit : « J’ai quelque chose. Ce n’est pas ce que vous cherchez, mais il faut que vous le voyiez. » Ce « quelque chose » n’était autre que la demeure de la comtesse Anne d’Ornano, ancienne maire de Deauville, une propriété des années 1920 nichée dans une impasse verdoyante du XVIe arrondissement. « Je suis entré et j’ai su spirituellement que cette maison était la mienne », se souvient Lenny Kravitz. Transformer le majestueux manoir d’une aristocrate française en un refuge pour rockeur américain n’était pas une mince affaire. Mais le musicien avait les ressources nécessaires pour réaliser cette transformation : en 2003, il a fondé sa propre agence de décoration, Kravitz Design.
Il y a cinq ans, il s’est également associé à Steinway & Sons pour produire le Kravitz Grand, une édition limitée de pianos fabriqués à la main en érable dur, en ébène de Madagascar et en bronze, avec des sculptures en bois de style africain sur la caisse et les pieds. L’un d’eux trône au pied de l’escalier majestueux de son hall d’entrée, en face de l’œuvre Untitled (Black Figure) de Jean-Michel Basquiat peinte en 1984. Vêtu d’une veste en cuir noir, d’un t-shirt délavé, d’un jean usé et de chaussettes – « pas de chaussures dans la maison, merci » –, Lenny Kravitz se dirige vers le Steinway et joue quelques accords. Les notes se réverbèrent doucement sur les murs en stuc. « Le son ici est magnifique », dit-il en s’installant dans un fauteuil en tissu bouclette Scarface du Studio Glustin, dans la bibliothèque. Sur les étagères sont rangés des livres d’art, des Grammy Awards, des bottes de boxe Adidas ayant appartenu à Mohamed Ali et plusieurs paires de chaussures du parrain de la soul, James Brown : « J’aime l’idée de marcher dans les pas de quelqu’un. » Il s’enfonce alors plus profondément dans son fauteuil, un verre de curcuma-gingembre dans une coupe en cristal posé devant lui sur l’une des deux tables basses brutalistes en béton moulé et en résine conçues par Paul Kingma.
Une affiche qui se trouvait dans l’appartement de ses parents lorsqu’il était enfant est accrochée au mur. « Tout est étudié pour être ni trop minimaliste, ni trop maximaliste. J’aime cet équilibre entre l’Afrique, l’Europe, l’afrofuturisme et les pièces midcentury, des éléments à la fois glamour et brutalistes. » Des éléments comme le portrait emblématique de Marilyn Monroe par Richard Avedon, posé sur une console Ambiguità de Lella et Massimo Vignelli, adjacente au palier de l’étage. Ou encore le canapé Terrazza des années 1970 en cuir beurré, conçu par Ubald Klug, dans le Lounge – la salle de projection souterraine –, face à une table basse exubérante en laiton et acier poli, dont le centre est rotatif.
Les souvenirs de la famille et des amis restent toujours présents, tels des memento mori : le portrait de sa marraine Diahann Carroll dans la bibliothèque, les photos publicitaires en noir et blanc encadrées de sa mère dans une pièce attenante au grand salon, ou encore la veste en cuir encadrée de Miles Davis dans la galerie du sous-sol. Dans la salle à manger, le magnifique portrait d’Albert Roker, son grand-père, pris par Ruven Afanador, trône au-dessus du buffet Sculpted Front conçu par le designer Paul Evans. La pièce signature est la Chaufferie de deux étages, située dans les profondeurs les plus sombres de la maison, où l’artiste a créé une sorte de bar clandestin, avec de vieilles tables de bistrot françaises provenant des puces de Saint-Ouen, une boule à facettes allemande des années 1940 dénichée à Los Angeles, une grille de voiture chromée ornementale encastrée dans le mur de briques, et « un excellent système de sonorisation. Ma fille organise beaucoup de soirées ici. », précise-t-il. Désormais surnommée l’Hôtel de Roxie, du nom de sa mère, cette maison incarne clairement la philosophie du musicien en matière de design. « Maintenant, vous avez saisi la vibe », lance Lenny Kravitz en souriant.
Adaptation Sandra Proutry-Skrzypek