Florence : visite de la Villa Morril
Des maisons comme ça, il n’y en a pas beaucoup… Tous les Florentins vous diront la même chose, et pour cause ! Nichée à quelques encablures du Ponte Vecchio, cette villa jouit d’une vue imprenable sur tout ce qu’une carte postale peut vous offrir de Florence, à commencer par le Duomo et le Palazzo Vecchio – sans compter le belvédère à 360 degrés qui s’érige sur le toit. F. Gordon et Elizabeth Morrill ne s’y trompèrent pas au moment d’acheter ce qui n’était alors qu’une tour médiévale du XIIIe siècle reliée à une limonaia – l’orangerie des Italiens – du XVIIIe.
Architecte de formation, le nouveau propriétaire des lieux décida d’agrandir la maison en faisant construire un troisième bâtiment. « On reconnaît clairement une allusion au fronton de la basilique de Santo Spirito, ce qu’un Italien ne ferait probablement jamais. C’est une sorte de folie à l’américaine, presque hollywoodienne », admet l’architecte Massimo Adario, qui vient de restaurer et d’aménager la villa pendant deux ans et demi. Une raison de plus pour attaquer ce projet qui rend hommage à Florence justement, omniprésente à l’extérieur comme à l’intérieur, en plongée depuis les nivellements en amphithéâtre du jardin ou à travers les rappels savamment distillés par Massimo Adario sur les 1 000 mètres carrés de la maison.
Il s’en explique : « À mon arrivée, il ne restait presque rien des Morrill. Vu la relation quasiment exagérée de la villa avec la ville, j’ai choisi de la faire entrer dans la maison, en élaborant des éléments des monuments qui m’ont inspiré dans le dessin sans que ce soit trop littéral pour autant. » Des stucs jusqu’aux boiseries, les plus avertis reconnaîtront peut-être les motifs des façades du Musée de la porcelaine de Palazzo Pitti, du Palazzo Fenzi ou encore du Palazzo Medici Riccardi, sans oublier les impressionnantes géométries marbrées en noir et blanc d’une salle de bains, faisant écho à l’église de Santa Maria Novella et au Battistero San Giovanni.
Un écrin raffiné
Un sens du détail cher à Massimo Adario, qui n’a pas hésité à dessiner certaines boiseries à échelle réelle, conscient de leur importance dans un intérieur où tous les murs ont été revêtus avec le même raffinement, qu’il s’agisse des mosaïques au sol, des murs cannelés d’un escalier, des marbres en provenance des Alpes apuanes voisines ou des gravures romaines du XVIIIe imprimées sur de la soie, façon papier peint pour la bibliothèque.
Même les cuisines sur mesure, pauses modernes au sein de cette partition éminemment classique, ont bénéficié d’une attention soutenue. Autant de trouvailles capables de transformer cette immense villa en précieux écrin, où chacune des multiples pièces échappe à l’écueil du vide, souvent dangereux pour des superficies aussi vastes… jusqu’à cette pièce douillette du haut, tout en tatamis, qui culmine, avec un oeil de boeuf digne d’un film, pile dans l’axe du Duomo. James Ivory n’aurait pas fait mieux.