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Pourquoi la Finlande est-elle le pays le plus heureux du monde en 2023 ?

Design et architecture, économie verte et art de vivre du « sisu » : voyage à la découverte du pays le plus heureux du monde.
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Foto Mika Huisman, Courtesy MyHelsinki

Finlande : à la découverte du pays le plus heureux du monde

À Rome, j’ai fait la connaissance de mon amie Valeria, qui est finlandaise. De temps en temps, elle retourne à Helsinki profiter du temps plus frais, des milliers de lacs et des forêts de son pays. Depuis longtemps déjà, Valeria essaie de me donner des conseils quant aux lieux à visiter dans son pays ou la saison la plus propice pour s’y rendre, mais je n’en ai fait qu’à ma tête et j’ai décidé d’aller découvrir la Finlande, qui est officiellement pour la sixième année de suite le « pays le plus heureux du monde ».

Vue aérienne d'Helsinki. Kari Ylitalo/ Helsinki Partners

Je me suis donc rendue en Finlande en plein hiver, par moins 20 degrés. J’étais persuadée que j’allais assister à des aurores boréales (espoir bien évidemment déçu) et que j’allais me baigner dans les eaux glacées de la mer Baltique, non sans m’être laissée cuire au préalable dans le plus célèbre sauna public d’Helsinki, le Löyly – établissement désigné par Time comme l'un des 100 plus beaux endroits du monde à voir avant de mourir. J’ai donc pu approcher ce que l’on nomme en finnois le « sisu », l’art de vivre finlandais qui aide à appréhender le quotidien avec sérénité. L’écrivaine Katja Pantzar a écrit tout un livre à ce sujet, publié en 2022, qui m’a convaincu de tenter tous ces rituels et de m’adresser ces défis à moi-même. Au terme de ce voyage, je peux affirmer que je suis prête à repartir dès demain, et je vais vous expliquer pourquoi.

Le sauna Löyly, dans le quartier Hernesaari d’Helsinki, est un grand sauna public fréquenté par les habitants, entouré de nature et donnant sur la mer, conçu selon les critères de durabilité et de respect de l'environnement par le cabinet finlandais Avanto Architects Ltd, dirigé par Ville Hara et Anu Puustinen, en collaboration avec le Studio de Joanna Laajisto. La structure, entièrement réalisée en bois de pin, semble s’élever au-dessus du sol et offre une vue spectaculaire dont on profite depuis les terrasses panoramiques. Löyly, en finnois, désigne le nuage de vapeur qui se forme lorsque de l'eau est versée sur les pierres brûlantes du sauna. Photo © Joel Pallaskorpi

Retour à l’essentiel

Mais commençons par le commencement. La Finlande est vraiment un pays où il fait bon vivre. Et ce n’est pas que le rapport mondial sur le bonheur des Nations unies qui le dit : dans les rues d’Helsinki, on voit très peu de voitures, tout le monde utilise les transports en commun (même par des températures glaciales et des tempêtes de neige, malgré les plaques de verglas sur lesquelles, miracle, personne ici ne semble jamais tomber). Par conséquent, le niveau de stress lié à la circulation, aux places de stationnement et aux concerts de klaxons est extrêmement réduit. En Finlande, on profite du silence, et on va à l'essentiel. Le respect de notre planète fait partie des réflexes adoptés collectivement et se retrouve à tous les niveaux. Un exemple : ici en ville, j’ai mangé dans un restaurant Zéro Déchet (je ne savais même pas que ça existait, mais j’espère que la tendance va s’imposer partout ailleurs) qui s’appelle Nolla. Les ingrédients sont de saison, on n’achète que chez des fournisseurs qui adhèrent à la charte des bonnes pratiques du restaurant : pas d'emballage à usage unique, pas de plastique, pas de bois, pas de papier, tout ce qui est utilisé se doit d’être réutilisable. Tous les restes de nourriture (au même titre que les autres déchets organiques) finissent dans un composteur qui les transforme en engrais qui permettra d’avoir une action positive sur la nature. La même veine minimaliste se retrouve également dans l’offre hôtelière : les établissements sont simples mais on n’y manque de rien. À Helsinki, je loge dans le tout nouvel hôtel AX : des chambres petites mais confortables, pas d’armoire. Ici, le « less is more » est partout et s’impose de façon particulièrement séduisante.

Foto Mika Huisman, Courtesy MyHelsinki
Une plongée dans le design

L’objectif principal de mon voyage est de découvrir le volet architectural d’un pays dont le design a toujours été reconnu en dehors de ses frontières (il suffit de penser à Alvar Alto et Eero Saarineen). Un pays qui a dédié un quartier entier à cet art de la conception : le Helsinki Design District, qui rassemble plus de 200 enseignes, galeries, ateliers et boutiques où l'on peut faire de nombreuses découvertes, qu’il s’agisse de nouvelles marques pointues ou de grands classiques du genre. Avant de se perdre dans une séance de shopping au sein de ce dédale d’ateliers où s’expose le meilleur du savoir-faire local, de la mode au design, en passant par les textiles durables et les accessoires pour la maison, le mieux est de commencer par le Musée du design, une véritable institution du quartier de Kaartinkaupunki. Le bâtiment néogothique Gustaf Nyström, achevé en 1895, devait à l’origine héberger une école. Il accueille aujourd’hui l’un des musées les plus en pointe du monde, qui non content d’organiser des expositions qui voyagent à l’international, est également une maison d’édition de livres et de catalogues consacrés au design. On trouve également de nombreuses expositions en ligne sur le design finlandais, de la production de Marimekko et Arabia Factory aux designers Kaj Franck et Oiva Toikka. Helsinki est un spot incontournable pour les amateurs de design nordique.

Une autre étape à ne pas manquer est le musée d'art moderne Amos Rex, étonnante structure enterrée avec ses hublots géants qui jaillissent du sol. Ce nouveau centre culturel conçu par le cabinet finlandais JKMM Architects est la nouvelle adresse de l’historique musée privé Amos Anderson, qui a quitté son ancien siège après cinquante ans de bons et loyaux services pour trouver un lieu plus adapté aux exigences modernes en matière d'exposition. Le cœur de ce bâtiment entièrement souterrain est occupé par la salle d'exposition principale de 2 170 mètres carrés. Éclairée par d’immenses hublots qui jaillissent sur la chaussée de la ville, la silhouette du bâtiment convoque l’imaginaire marin. L’Amos Rex se trouve à proximité de la gare d’Eliel Saarinen, du bâtiment du Parlement et du Kiasma de Steven Holl, au sous-sol de l’une des places les plus névralgiques de la ville.

Le cœur de la Kaisa House, la bibliothèque universitaire d'Helsinki, conçue par Vesa Oiva de l'agence Anttinen Oiva Architects (AOA), est un magnifique atrium ovale. Pour accentuer les courbes de l'atrium, les balcons blancs de chaque étage semblent suspendus comme des nuages, attirant le regard vers le haut. Photo © Linda Tammisto.

L’espace public vous appartient

Ici, les lieux publics sont nombreux et très organisés – comme cela n’existe que chez les Nordiques. La bibliothèque centrale d’Helsinki Oodi, conçue par ALA Architects, en est un exemple. Dans ce gigantesque espace de 16 000 mètres carrés, défini comme un « lieu de rencontre vivant », on trouve non seulement des livres, rangés et triés par un chariot électronique qui circule sans encombre dans les couloirs, mais aussi des équipements 3D pour coudre et imprimer des chemises (ou des collections entières de vêtements), des salles pour composer de la musique, enregistrer un disque, et même une cuisine pour des cours de cuisine. Il ne manque qu’un sauna. On trouve des salles remplies de poussettes, où les parents se détendent en lisant un livre pendant que les enfants jouent tranquillement.

Le tout nouveau projet Little Finlandia, conçu par l'architecte Jaakko Torvinen, est également intéressant. Il s’agit d’un centre événementiel moderne et polyvalent, doté de restaurants et de salles de réunion, accessible et ouvert à tous. Cette structure temporaire a été imaginée par la ville d’Helsinki pour remplacer provisoirement le Finlandia Hall, conçu par Alvar Aalto en 1962 en rénovation pendant trois ans. Cette structure se constitue entièrement de modules en bois qui, à la fin des travaux du Finlandia Hall – prévue pour le dernier trimestre 2024 – seront démontés et réassemblés pour servir d’école ou de jardin d’enfants. « Quand je pense à la Finlande, je pense aux forêts, explique l'architecte, en particulier aux forêts de pins. C'est pourquoi j'ai eu l'idée d’amener la forêt dans la ville, et j'ai tout construit sur cette base. J'ai personnellement choisi chaque arbre pour construire cette structure dédiée à la convivialité. »

La Bibliothèque centrale d’Helsinki Oodi - « ode » en finnois, 17 mille mètres carrés dédiés à la culture et à la convivialité en plein centre-ville. On a l’impression d'être dans une grotte lumineuse et confortable. Photo © Tuomas Uusheimo

Foto Tuomas Uusheimo
L’appel de la nature

À Helsinki, un trajet en tramway peut vous mener jusqu’à la forêt. L’hiver pour skier, l’été pour respirer. La nature fait partie intégrante des lieux, que l’on vive en ville ou dans les grands espaces. Outre l'architecture et le design d’avant-garde, l’un des véritables emblèmes ancestraux de la Finlande est le sauna. Ce rituel de purification du corps et de l’esprit est une tradition dans ce pays scandinave. Comparé à Helsinki, qui ne compte « que » 12 saunas publics, Tampere, à environ deux heures de route de la capitale, héberge le plus vieux sauna du monde, Rajaportti. Celui-ci se trouve dans le vieux quartier de Pispala et est toujours en activité. Le sauna a été construit par Hermanni Lahtinen et sa femme, Maria, en 1906. Pour ceux qui veulent faire l’expérience d'un sauna moins traditionnel, l’endroit idéal est Tahmelan Huvila, où Juna et Matti, les « chamans du sauna » de Saunakonkeli, vous offriront un rituel de purification vraiment inoubliable. À ne pas manquer non plus, le magnifique Art Sauna, un exemple d'architecture de bien-être intégrée à l'art, perdu au milieu des lacs et des forêts. À l'intérieur, la chaleur de l’âtre se mêle à l’élégance du design raffiné et des œuvres d'art. À l’extérieur, on se pâme devant un paysage à couper le souffle. De retour chez moi, j'ai immédiatement appelé mon amie Valeria. Je lui ai dit que la prochaine fois, j’écouterai encore ses conseils. Car il y aura forcément une prochaine fois.

Le musée Amos Rex. Photo © Tuomas Uusheimo

L'escalier de la bibliothèque centrale d’Oodi, construite à côté de la place Kansalaistori et inaugurée en décembre 2018. Le bâtiment abrite non seulement une bibliothèque, mais aussi des studios, des ateliers et des espaces événementiels, un restaurant, un café et un cinéma. Photo © Tuomas Uusheimo

Article initialement publié dans AD Italia.