Dans une crique à Marseille, une luxueuse villa du XIXe siècle
Piscine sur la mer, colonnades en marbre, murs en marmorino, touches de rouge romain et de jaune solaire... cette rénovation est signée Stéphane Parmentier.
En descendant vers la mer depuis la ville, au bout d’une anse typique de Marseille, se dresse une villa construite en 1890. Elles n’étaient que deux à cette époque. Depuis, les choses ont bien changé, à commencer par cette maison à porche en colonnade, dans un piteux état, son jardin abandonné. « La première chose que j’ai faite a été de respecter cette maison, confie Stéphane Parmentier. Je tenais à lui garder son âme, sa vibration absolue, car une villa comme celle-ci, en bord de mer, c’est unique à Marseille. Cette villa, je l’ai d’abord regardée. »
Dans la poolhouse, sur une table en bois Tribu (Silvera), un pichet et des verres de Gilbert Valentin et un grand pichet de Mado Jolain (le tout Galerie Édouard de la Marque). Autour, des chaises en fer forgé Carré d’As, 1955, de Mathieu Matégot (Galerie Circa 30-80).
Pour lui redonner sa grandeur, l’architecte d’intérieur replace l’escalier au milieu de la galerie, créant une perspective qui rééquilibre l’ensemble, puis réintroduit la notion provençale de restanques (murs en pierres) et de terrasses en paliers. Sur la première, il creuse une piscine dont il monte le fond sur vérin pour créer un petit bassin sécurisé pour les enfants ou, lorsqu’il est remonté au maximum, une terrasse – l’eau disparaissant alors sous la surface en pierre. La végétation existante est conservée, enrichie et une poolhouse est aménagée. En parallèle, un ample travail sur la matière est mené, dans un dialogue entre XIXe et XXie siècle, entre marbre de la colonnade et matériaux puisés dans le pourtour méditerranéen. La Grèce, le Sahara, l’Algérie, mais aussi les Pouilles et les Baléares sont autant d’hommages, dans un dialogue entre les époques et les références.
Dans le salon, sur une console Trani (Stéphane Parmentier), entre une paire de lampes d’Adrien Audoux et Frida Minet (Galerie Blanchetti), une céramique d’Éric Astoul (5:00 Galerie) et un vase en bronze de Bruno Gambone (Galerie Sandy Toupenet). Tableau de Jean Piaubert (collection privée).
Dans le salon-bibliothèque, sur un module cubique rouge, une sculpture de Jérôme Tristant (collection privée) et une lampe à poser série Télévision (Frédéric Bourdiec). En bas, un vase de Mado Jolain (Galerie Édouard de la Marque). Au mur, Composition de Guillaume Pelloux (Galerie Édouard de la Marque).
Les murs sont en travertin dans la cuisine, en bois sablé, brossé et laqué ou en marmorino dans le salon et la bibliothèque, un vocabulaire très italien. Le marmorino, cette poudre de sable et de pierre mélangée avec de la résine et de la chaux était utilisé au tout début du XXe siècle en Italie par les ouvriers, pour leur maison, ceux-ci n’ayant ni l’argent ni le temps de se payer les peintures impeccables et bien lissées qu’ils réalisaient dans les palazzos. « J’adore cette recette du marmorino et cette mise en forme de murs plus humble, plus simple, que je trouve d’une grande sophistication aujourd’hui, avec ses effets de sable d’habitude à l’horizontale qui se lisent aussi à la verticale... » Une matiérité qui n’élude pas la couleur. « Si j’avais évoqué la Méditerranée sans exprimer la couleur, je n’aurais pas été compris, et à juste titre. On ne parle pas d’un projet en Norvège ou en Suède, ici, on a osé les tonalités. » À commencer par ce que l’on appelle « l’assiette », poursuit Stéphane Parmentier, cette première couche de préparation, rougeâtre, dont on revêt une surface avant sa dorure à la feuille.
Dans la cuisine, sous un lustre en rotin et métal Orion (Stéphane Parmentier x Giobagnara), une table en chêne et laque Ortigia (Stéphane Parmentier), dessus des céramiques de Roger Capron (collection privée) et un cendrier de Georges Jouve (collection privée). Sur le meuble bas, à gauche, des céramiques de Michel Delmotte, Alexandre Kostanda et Pierre Digan (collection Frédéric Bourdiec), une lampe en bois et abat-jour en cuir et parchemin, années 1960 (Galerie Ramita Philip), à droite, un vide-poche en travertin Korova (Stéphane Parmentier). Appliques en aluminium Kamino (Stéphane Parmentier).
Dans le grand salon, devant un canapé sur mesure (Stéphane Parmentier), une paire de fauteuils Grand Repos de Guillerme et Chambron (La Maison Bananas). Sur un des deux bouts de canapé en bronze Bellechasse (Stéphane Parmentier), une lampe de Gino Sarfatti (Galerie Jean-François Foucher). Sur une table basse en lave émaillée Hydra (Stéphane Parmentier), une coupe de Bruno Gambone (Galerie Sandy Toupenet) et un vide-poche en pierre de lave, Vallauris, 1960 (Galerie Circa 30-80). Appliques en albâtre et laiton Ida (Stéphane Parmentier). Le lustre est un modèle suédois des années 1960 provenant d’une église (Galerie Frank Landau). Dans le salon du fond, sur la cheminée, des céramiques d’Annie Maume et Jacky Coville et, au mur, une œuvre de César, 1973 (le tout collection Frédéric Bourdiec).
Ici, cette couleur d’assiette a servi de base pour laquer la bibliothèque du salon, geste mobilier un peu romain, un peu grec habillé de rouge brûlé, comme un bas-relief antique. Au-dessus, un tableau de Jean Piaubert et, dans la cuisine, une grande photo de Valérie Belin laissent éclater leurs couleurs. Car il y a de la couleur, bien sûr. Ainsi de la chambre principale et de ses grands rideaux aux tonalités cuivrées, de celle-ci aux rideaux jaunes et meublée de céramiques blanches ou de cette autre aux tonalités plus sombres, façon clair-obscur. Autant d’allers-retours faisant de la couleur la vibration centrale de cette nouvelle histoire.
Au bord de la piscine, un fauteuil transat scandinave, années 1970 (Galerie Circa 30-80).
Sur la terrasse, autour d’une table basse Kyoto de Roger Capron, 1965 (Galerie Circa 30-80), une paire de grands fauteuils italiens à oreilles de bambou, années 1960 (Galerie Circa 30-80), une paire de petits fauteuils en bambou années 1970 (Vivai del Sud), et une figure de proue en pin provenant d’un navire du XVIIIe siècle (5:00 Galerie).
Dans la chambre, sur une console d’Edward Wormley (collection privée), une lampe à poser en bois brut (Galerie Ramita Philip). Devant, une chaise de Gabriella Crespi (Galerie Ramita Philip). Au mur, une œuvre de Jordi Alcaraz (Maisonjaune Studio).
Dans cette maison que l’architecte d’intérieur et designer a souhaité aussi facile à vivre en (grande) famille, qu’en amoureux ou entre amis, se dégage une ambiance cool et chic, « un chic empreint d’une sorte de légèreté et en même temps de précision », sourit l’architecte et designer qui poursuit : « On a travaillé avec des artistes extraordinaires, à l’image de Frédéric Bourdiec, basé à Marseille, qui crée des sculptures, des appliques et luminaires sublimes que l’on a mêlés à des pièces réalisées par nos soins mais cela ne saute pas aux yeux... c’est comme une sorte de polyphonie corse, où toutes les voix s’intègrent avec harmonie. » Il est rejoint dans cette curation soignée par d’autres noms de Marseille : César, Christopher Barraja... Et c’est vrai qu’il se dégage une sensation de paix et de calme dans cette maison. Quand le soleil passe entre les rideaux, rebondit sur le marmorino, c’est toute la Méditerranée qui nous apaise. « À la seconde où l’on passe la porte, tout est vraiment... très doux. »
L’architecte d’intérieur et designer Stéphane Parmentier.
Dans l’entrée, un espace « solarium » entre transats, parasol et végétation à l’état libre. Table d’appoint en céramique Parade L (Stéphane Parmentier).