La rénovation italianisante d'un château en Bourgogne
Ce château bourguignon a été rénové par Paul du Pré de Saint Maur, qui a su se mettre à l’écoute des lieux pour apporter une subtile touche de modernité.
Tout a commencé par deux salles de bains, ajoutées par les propriétaires pour donner un peu de confort moderne à leur château en Bourgogne. Sur cette lancée, pourquoi ne pas s’attaquer aussi aux chambres ? Et puis l’escalier, d’autres chambres... autant refaire aussi les pièces de réception au rez-de-chaussée. Voilà qu’en trois ans, Paul du Pré de Saint Maur a donné un nouveau visage à ces pièces qui s’étaient un peu endormies au fil des siècles. Cette ancienne maison de maître du XVIe siècle avait déjà connu une première transformation au XIXe, gagnant au passage une tour pour abriter un escalier monumental et une belle mosaïque dans l’entrée. Deux éléments qui ont dès le départ attiré l’attention du jeune architecte, lui permettant de jeter les bases de sa restauration et d’insuffler une petite pointe d’Italie, réminiscence de ses années d’études à Rome.
Dans l’escalier monumental, où le charme de la Renaissance italienne vient alléger le bâtiment un peu figé du XIXe siècle, une suspension de Paavo Tynell.
Jukka Ovaskainen — Réalisation Sarah de Beaumont
Le domaine témoigne des diverses influences qui ont présidé à ses fondations, comme cette tour, vestige de l’époque de sa construction, au XVIe siècle.
Jukka Ovaskainen — Réalisation Sarah de Beaumont
Dans la salle à manger, autour d’une table de Lars Löfmark, des chaises Louis XIII. Service de Sèvres et cristal Saint-Louis. Sur la cheminée encadrée de tapisseries de jus d’herbe, un vase de Roger Herman (Carpenters Workshop Gallery).
Jukka Ovaskainen — Réalisation Sarah de Beaumont
Dans le salon, deux bouddhas khmers du XIIe siècle soulignent la perspective vers la salle à manger. Au-dessus de la porte, l’imposte a été peinte par Pierre du Pré de Saint Maur.
Jukka Ovaskainen — Réalisation Sarah de Beaumont
Ou comment adoucir la lourdeur un peu figée du XIXe français grâce au charme de la Renaissance : « Après tout, cela a quand même inspiré toute l’architecture française, souligne Paul du Pré de Saint Maur, y compris le XIXe qui est en partie inspiré du classique. Ceci dit, je ne fais absolument pas de l’historique. L’inspiration m’amuse mais copier ne m’intéresse pas, parce que refaire les mêmes intérieurs que dans les palazzi, cela ne rime à rien. Pas de retranscription. » Ainsi, on procède par rappels, distillant des touches de couleur çà et là : les tons terre de Sienne, rouges, noirs de la mosaïque traversent les espaces pour se poser sur les boiseries des pièces à côté, où l’on se permet parfois quelques motifs venus d’ailleurs.
Dans le salon, sur une table néoclassique de Giovanni Banci pour Hermès, des carafes en cristal de Bohême. À gauche, une paire de fauteuils Art déco de René Drouet, à droite, un pouf italien du XXe et un canapé signé Paul du Pré de Saint Maur. Sur la cheminée, la sculpture Suneater, de Stefan Rinck (galerie Semiose), dialogue avec un lampadaire d’Ignazio Gardella et une lampe de table italienne des années 1930. Sur le mur de droite, au-dessus de la console, une œuvre de Nam Tchun-Mo (IBU Gallery). Impostes réalisées par Pierre du Pré de Saint Maur. Tapis All Hands (Nordic Knots).
Jukka Ovaskainen — Réalisation Sarah de Beaumont
Sur la cheminée, une série de sculptures Broacs, de Victor Guedy, et le dessin Songe, de Pierre du Pré de Saint Maur. La lampe est de Lisa Johansson Pape. À gauche, la sculpture Ugolin de Jean-Baptiste Carpeaux.
Jukka Ovaskainen — Réalisation Sarah de Beaumont
Dans une chambre, sculpture L’Arbre, de Sergio Storel. Tapis Loops (Nordic Knots).
Jukka Ovaskainen — Réalisation Sarah de Beaumont
Comme pour troubler l’ordre imposé, les moulures du salon s’enrichissent de petits macarons noirs tandis que les portes coiffent leurs lunettes de fresques – signées Pierre du Pré de Saint Maur, frère de. Partout, il s’agit de décontracter discrètement un cadre trop classique, sans pour autant le dénaturer, comme le confirme l’architecte : « Cela permet de changer le caractère final de la pièce sans changer son architecture. Je n’ai pas envie de me comparer à lui, mais j’aspire un peu à la même chose qu’Emilio Terry par exemple : faire des choses assez historiques et amusantes, mais garder une sobriété, une radicalité contemporaine. Tel ou tel détail n’aurait pas été fait à la Renaissance, mais en même temps c’est cohérent. On ne saurait pas trop le dater. »
Dans la chambre, au-dessus d’un lit d’Ignazio Gardella, des appliques de Sciolari Roma des années 1950 accompagnent une suite d’angelots du XIXe siècle. Les tables de chevet ont été dessinées par Paul du Pré de Saint Maur et les peintures sont de Pierre du Pré de Saint Maur.
Jukka Ovaskainen — Réalisation Sarah de Beaumont
Dans une pièce d’eau, le tabouret Huntstool Gold, de Rick Owens (Carpenters Workshop Gallery) dialogue avec des sculptures de Victor Guedy. Au-dessus de la vasque sur mesure, un miroir également dessiné par l’architecte dans lequel se reflète un tableau de Pierre du Pré de Saint Maur. Au plafond, un spot de Hans Verstuyft.
Jukka Ovaskainen — Réalisation Sarah de Beaumont
Pas question d’imposer de grands gestes architecturaux quand le cadre a déjà tout ce qu’il faut. Tout juste se limite-t-on à dessiner une belle cuisine en peaufinant les détails des portes masquées ou en imaginant un canapé aux lignes rigoureuses pour le salon, entre un lampadaire d’Ignazio Gardella et une sculpture contemporaine de Stefan Rinck. Équilibre oui, total look, non. Et Paul du Pré de Saint Maur de s’expliquer : « Je ne voulais pas de statement, le but étant que la maison paraisse avoir évolué au fil du temps et de ses propriétaires. » Un subtil jeu d’équilibriste que l’architecte sait bien manier, d’autant plus précieux lorsqu’il s’agit d’intervenir sur des pierres anciennes. On ne s’étonnera pas d’apprendre qu’il planche déjà sur un autre château destiné à devenir un lieu d’accueil artistique et culturel, en attendant de livrer un chantier à New York, réalisé à quatre mains avec Marie-Anne Derville. De la Bourgogne à l’East Coast, encore une affaire d’équilibre.
Dans une chambre, de chaque côté du lit dessiné sur mesure, des suspensions de Paul du Pré de Saint Maur. Au mur, l’œuvre Ciel d’orage de Pierre du Pré de Saint Maur. Sur la table d’appoint, un chien de Fô du XIXe siècle.
Jukka Ovaskainen — Réalisation Sarah de Beaumont
L’architecte d’intérieur Paul du Pré de Saint Maur a réveillé cette maison de maître en procédant par rappels, distillant des touches de couleur et des œuvres plus contemporaines.
Jukka Ovaskainen — Réalisation Sarah de Beaumont
L’escalier monumental ainsi que la mosaïque au sol ont été ajoutés au XIXe siècle, inspirant à Paul du Pré de Saint Maur des influences de la Renaissance italienne.
Jukka Ovaskainen — Réalisation Sarah de Beaumont
En Bourgogne, cette demeure de maître du XVIe siècle avait connu des transformations au XIXe siècle.