L'appartement familial de Joseph Dirand dans le XVIe arrondissement de Paris

- © Adrien Dirand1/9
L’architecte Joseph Dirand et son épouse Anne-Sophie devant un dessin au fusain de Thomas Houseago. Canapé (Living Divani).
L’architecte Joseph Dirand vient d’emménager dans un très bel appartement du XVIe arrondissement, qu’il voit comme une « version 2.0 de son précédent » devenu trop petit avec le projet d’un autre enfant. Plus vaste, respectant son style, il est aussi l’occasion pour l’architecte d’infléchir quelque peu ses fondamentaux, même si pour lui dans l’ensemble, les deux endroits sont très similaires. La différence principale, c’est la lumière, le calme et la vue. Et, sourit-il, « la tour Eiffel et le ciel qui change en fonction des heures de la journée, c’est magique ! »AD Racontez-nous l’aménagement de ce nouvel appartement…JDLes arches qui permettent de faire communiquer le couloir et le salon apportent quelque chose de différent. Je les ai aussi utilisées pour les alcôves, de part et d’autre de la cheminée. J’aurais pu ouvrir l’espace autrement, mais j’avais envie de rondeurs, de courbes. D’une manière générale, je voulais des choses plus douces, plus sensuelles, plus confortables. Ce doit être l’âge !
- © Adrien Dirand2/9
L’entrée dont les arches en pierre de Massangis ouvrent sur le salon, est en parquet Versailles comme tout l’appartement. Devant les portes en miroirs, une chauffeuse de Gianni Moscatelli pour Formanova et un banc signé Folke Bensow (1925).
Qu’est-ce qui a changé dans votre approche de la décoration au cours de ces dernières années ? Quand on est jeune, on est plus radical, mais avec le temps, les choses s’adoucissent. Je suis plus sensible à leur côté tactile, à l’ergonomie des objets. Les angles s’arrondissent, comme sur le plan de travail de la cuisine que j’aurais traité différemment auparavant. Ce qui m’intéresse aujourd’hui, c’est de créer une qualité de vie : comment jouer avec la lumière, les transparences, les vues. Et comprendre aussi comment celui qui y vit va interagir avec le lieu. Après, c’est à moi de l’habiller et de lui donner les bonnes références.
Et ici, quelles ont été les références ? Les références sont toujours fonction du lieu. Ici, elles sont classiques, parisiennes mais pas haussmanniennes – c’est un style que je trouve un peu « fake ». Il y a aussi un clin d’œil aux années 1930 avec les arches. En matière de style, ce qui est intéressant au xxie siècle – à la différence du XXe qui s’est construit sur une suite de « révolutions » – c’est que l’on s’est nourri de tout ce passé et que l’on peut y puiser pour créer un nouveau langage en associant différents éléments.
- © Adrien Dirand4/9
Dans le vestibules en arches, au-dessus d’un canapé de Terence Harold Robsjohn-Gibbings, une œuvre de Jannis Kounellis. Plus loin, une colonne Antica et un vase en marbre (Joseph Dirand). En face, une colonne lumineuse Totem de Joseph Dirand. Dans le couloir, un guépard en or et bronze patiné Sekhmet II de Harumi Klossowska de Rola. Suspensions en albâtre de Joseph Dirand
Côté mobilier, Perriand et Jeanneret, encore et toujours ? Quelles que soient les modes, je reste fidèle à ce que j’aime. Et j’aime les meubles d’architectes, qu’ils soient de Charlotte Perriand, Le Corbusier, Pierre Chareau, Eero Saarinen ou Ludwig Mies van der Rohe. Ce qui me touche dans les meubles de Pierre Jeanneret créés pour Chandigarh, c’est cette alliance entre une vision moderniste et une réalisation artisanale.
Sur quels projets travaillez-vous en ce moment ? La liste est longue ! Des maisons à Malibu, Palm Beach, Los Angeles, Londres et New York, deux immeubles d’habitation à Miami et à New York pour lesquels nous réalisons aussi l’architecture, un bateau de 118 mètres conçu de la coque aux poignées de portes, une île entière avec des résidences aux Bahamas, et surtout un projet d’hôtel en collaboration avec David Chipperfield pour Rosewood, dans les 50 000 mètres carrés de l’ancienne ambassade des États-Unis dessinée par Eero Saarinen, à Londres.
- © Adrien Dirand5/9
Dans la cuisine, le marbre Stazzema domine, de l’îlot au plan de travail, de la crédence à l’étagère sur laquelle est posée une œuvre de Sterling Ruby. Les placards sont en laiton patiné argent vieilli. Suspension de Philippe Anthonioz. Applique Gelule (Joseph Dirand).
Comment abordez-vous un nouveau projet ? Ce qui me motive avec chaque projet, c’est la possibilité de raconter une histoire nouvelle. Avant de dessiner, j’étudie le lieu, son contexte, comme pour le building sur lequel je travaille à New York : j’ai fait des recherches sur l’architecture de la ville pour comprendre comment s’étaient construits les immeubles, ce qui avait présidé à leur évolution au fil du temps, les références et les codes dont s’étaient inspirés les architectes, et je me suis nourri de tous ces éléments pour imaginer son plan, sa structure et sa façade.
Qu’est-ce qui vous excite en ce moment, qu’est-ce qui vous fait rêver ? Depuis deux ans, je travaille avec un associé et un investisseur sur un projet de collection de maisons. L’idée, c’est d’acquérir des propriétés exceptionnellement situées (en Italie, à la montagne, aux Caraïbes, à Saint-Barth…), de les redessiner, de les meubler entièrement comme si j’étais mon propre client et de les proposer ensuite à la location. J’aimerais pouvoir créer la maison de mes rêves, un projet absolu comme la Maison sur la Cascade ou la Villa Malaparte, et pouvoir la partager.
- © Adrien Dirand7/9
Dans la chambre, devant une enfilade de Charlotte Perriand, une table basse Scarabée de Georges Jouve et un fauteuil signé Oscar Niemeyer. Au premier plan, un canapé (Knoll), devant, un Agneau de François-Xavier Lalanne.
« On dit de moi que je suis un minimal contrarié ! Élevé dans un univers saturé d’images de décoration, j’ai dû me construire différemment. » L’architecte Joseph Dirand.